Chapitre 4
Vous avez envie de devenir maquilleur, mais vous ne savez pas comment faire. Si vous êtes adolescent, vous vous renseignerez sans doute auprès du Conseiller d’Éducation de votre collège ou lycée qui vous dira qu’il ne connaît rien d’officiel sur ce métier, mais qu’il y a des écoles privées très chères pour un avenir très incertain. Et pour cause : le métier n’existe pas encore juridiquement, donc officiellement, même s’il existe de fait depuis longtemps au théâtre et au cinéma depuis Méliès. Pourquoi ? Parce qu’il n’existe encore aucun critère administratif ni cursus national commun à toutes les écoles et conduisant à un diplôme national reconnu par l’Etat.
Ce métier, reconnu dans le monde entier, n’a pas encore de statut juridique en France. Il n’est pas admis, ni admissible, aux Registres des Métiers des artisans, ni au Registre du Commerce des sociétés, ni au Registre des Auto-Entrepreneurs. Il n’est pas davantage admissible comme profession libérale, puisque celles-ci n’ont le droit de fournir que des conseils et non des services, exceptées les professions médicales.
Autre possibilité, vous êtes un peu plus âgé, vous avez déjà un métier, mais vous souhaitez en changer. Le Pôle emploi du Spectacle ne vous acceptera pas parce que bien évidemment vous n’avez pas encore les justificatifs nécessaires pour cela. Et le Pôle emploi classique, hors spectacle, ne connait pas un métier salarié qui n’a pas d’existence légale hors spectacle. Incidemment, il n’est pas non plus concerné par les Micro-Entrepreneurs qui sont des patrons et donc ne cotisent pas encore pour l’assurance chômage.
Alors, comment entrer dans une profession qui n’existe pas ? Je vais vous donner quelques pistes, sans rien pouvoir vous garantir, et vous exposer les particularités de l’accès à ce métier.
Dans cette première partie, nous verrons les points les moins agréables de la situation, mais il faut les connaitre car le monde adulte n'est pas toujours un conte de fées comme le souhaiteraient les enfants, et dans la suivante nous verrons les démarches positives à accomplir pour chaque aspirant élève ou chaque jeune professionnel à sa sortie d'école.
Les autodidactes pourront suivre le parcours d’un élève sorti de l’école dans le chapitre suivant pour trouver des employeurs.
A l’heure actuelle le maquilleur est uniquement reconnu comme un Intermittent du Spectacle, Annexe VIII de la nouvelle Convention Collective Nationale, donc comme un technicien salarié dépendant de son employeur dans le spectacle.
Cette Convention Collective est étendue à l’ensemble du territoire de la République Française, ce qui signifie qu’elle est devenue nationale et s’impose à tous, employeurs ou employés, producteurs, artistes ou techniciens travaillant dans le domaine du cinéma-spectacle.
Ses règlements et les tarifs minima annexés ont donc force de loi pour tous dans l’ensemble du pays, y compris les DOM-TOM.
Un maquilleur n’est ni un coiffeur ni une esthéticienne, comme nous l’avons déjà dit dans un précédent chapitre. Il ne travaille pas seulement pour embellir sa cliente en tant qu’elle-même dans la vie courante, encore moins pour lui vendre des produits cosmétiques pour gonfler son tiroir-caisse, mais en fiction pour créer un personnage sur l’artiste interprète. Cela vaut non seulement pour le travail à fournir proprement dit, mais aussi pour la formation et le statut juridique et professionnel.
Le maquilleur est étymologiquement celui qui fait le masque à l'artiste interprète pour représenter son personnage, comme jadis les masques de pierre, de bois ou de cuir, représentaient les personnages du théâtre antique jusqu'à la Commedia dell'arte. C'est donc bien, à l'origine, un terme spécifique du spectacle. Le sens du mot a été élargi au-delà de son sens premier et maintenant on l'emploie aussi dans la mode, en photo, et dans la vie courante, là où, au contraire, on ne devrait pas faire de masque à la clientèle, mais en mettre la beauté en valeur par un maquillage discret. Or, il n'y a rien de moins discret qu'un maquillage mode, un maquillage dit artistique ou une mariée libanaise.
La formation en esthétique et en coiffure est commune à toutes les écoles de chacun de ces deux métiers et débouche sur deux diplômes d’État, le Certificat d'Aptitude Professionnelle (CAP) et le Brevet Professionnel (BP) et sur le statut d'employé salarié ou d'artisan. Ces diplômes nationaux attestent d'une formation et représentent une sécurité vis à vis des employeurs et de la clientèle privée. Il n'existe actuellement aucun diplôme d'état pour le métier de maquilleur de cinéma, faute de cursus commun à toutes les écoles, comme pour les métiers précités ou la médecine. Or, le maquillage touche physiquement à la peau de la personne maquillée. La carte professionnelle délivrée jadis par le CNC jouait le rôle de ce diplôme et garantissait une formation minimum autorisant à exercer le métier. Malheureusement, elle a été abolie comme nous le verrons ci-dessous.
De même qu’un coiffeur, une esthéticienne peut être engagée comme salariée dans un salon ou un institut de beauté ou travailler indépendamment comme artisan. Leurs diplômes respectifs ouvrent une reconnaissance légale des compétences professionnelles minima et donnent le droit juridique d’exercer les métiers considérés. Cette reconnaissance protège leur responsabilité civile et les autorise à prendre une assurance professionnelle les couvrant s’ils créent un problème dermatologique à leur client. Sans ces diplômes, un maquilleur n'ayant pas de diplôme de coiffure mais exerçant la coiffure court de graves dangers pour lui même et en fait courir à ses clients ou modèles : il n’est tout simplement pas assurable puisque pas reconnu apte à exercer le métier de coiffeur.
Dans le cadre réglementairement légal d’une activité salariée sur une production de spectacle, si le contrat liant l'employeur au maquilleur le couvre normalement en cas de problème de maquillage, il ne l'autorise pas juridiquement pour autant à exercer le métier de coiffeur qui nécessite un diplôme officiel reconnu par l'État. En conséquence, tout maquilleur qui exercerait la coiffure sans un de ces diplômes d’État, donc illégalement, pourrait ne pas être couvert par les assurances en cas de problème, et l'employeur serait civilement responsable.
En cas de non respect de la législation, c'est l'employeur qui assume la responsabilité civile et pénale. Sans contrat d'embauche formel, c'est le maquilleur qui est responsable civilement et pénalement, et en cas d'accident grave cela peut lui coûter très cher. Sur le plan pénal, on ne doit pas porter atteinte à la santé de la personne sur qui on travaille. Il est aisé de vérifier ces informations auprès d'un assureur ou de la Fédération Nationale de la Coiffure.
En attendant un éventuel (quoique très peu probable) changement de la législation française actuelle, il va de soi qu'il vaut mieux ne pas accepter les propositions de certaines productions qui voudraient que l'on fasse les deux, s'inspirant de l'Allemagne ou de l'Europe de l'Est où les réglementations professionnelles à ce sujet sont différentes.
Mais les productions sérieuses savent bien depuis longtemps qu’il faut engager un maquilleur et un coiffeur. Si donc on vous fait une proposition aussi peu sérieuse, vous saurez quoi en penser.
En France, le statut juridique professionnel détermine le mode de rémunération et le prix réel du travail :
Pour un salaire brut de 100 € vous percevrez entre 75 et 80 €, mais vous coûterez en fait à l'employeur environ 150 € puisqu'il devra payer en sus des cotisations sociales, improprement appelées charges sociales, plus le temps payé à son comptable.
Si cela était légal, vous lui feriez une facture ou une note d'honoraires et ça ne lui coûterait rien de plus que les 100 € en question et les cotisations sociales seraient alors, inversement, portées à votre charge, diminuant d’autant votre revenu pour une prestation identique. C'est pour cela qu'il y a de plus en plus de propositions cherchant à contourner la législation pour abaisser le prix réel du travail en demandant une facture pour le prix du salaire.
La seule définition française officielle, en attendant une prochaine évolution de cette aberrante situation, est fiscale : « le maquilleur est un technicien du spectacle, salarié, à employeurs multiples », en clair un intermittent du spectacle.
Dans le cinéma-spectacle (vivant et audiovisuel), il n'est donc pas juridiquement un travailleur indépendant ni un auto-entrepreneur (prétendu à tort équivalent du free-lance anglo-américain qui est pourtant très différent puisqu’il peut déduire ses frais, ce que ne peut pas faire l’auto-entrepreneur français) et il n’est donc pas autorisé à faire des factures commerciales (artisan ou société), ni des notes d’honoraires (professions libérales). Ceux qui s’y risqueraient tomberaient sous le coup de la loi et devront tôt ou tard subir de lourds redressements d’URSSAF et fiscaux.
Sachez qu’en cas de note d’honoraires, le fisc prend 50% du chiffre d’affaire, et c’est à vous de payer vos cotisations sociales (retraite, assurance maladie et accidents du travail, congés payés, etc… Et, en période d'inactivité professionnelle, chômage, cela ne vous donne aucun droit à percevoir une indemnisation Assedic qui est l'assurance chômage des seuls salariés) ; sans compter un long et lourd travail de comptabilité tatillonne, celui-là même que les employeurs voudraient s'éviter. Toutes ces charges déduites, combien vous restera-t-il sur la somme modique qu’on vous proposerait dans de telles conditions ? entre 23 et 25% seulement. Vous voyez donc ce qu’il faut demander pour gagner les 100€ dont on voudrait récompenser votre prestation ? 4 fois plus. Jamais on ne vous accordera 400 quand on vous propose 100.
Comme nous l'avons déjà vu, le métier de maquilleur n'est actuellement reconnu que comme "travailleur salarié à employeurs multiples" c'est à dire un intermittent du spectacle. Ce statut ne s'applique qu'aux travailleurs engagés, payés et déclarés par une entreprise de spectacle, principalement dans la fiction : production cinématographique et/ou télévisuelle, production de spectacle théâtral, musical, de cirque, de ballet, de cabaret.
L’intermittence est la particularité du monde du spectacle. Le Code du Travail prévoit de manière générale que les employés soient engagés en CDI (Contrat à Durée Indéterminée), dans le privé comme dans la fonction publique. Les CDI ne peuvent généralement pas exister dans le spectacle et plus particulièrement dans la production cinématographique ou le théâtre car il n’y a pas de structures permanentes adéquates : on est alors engagé au coup par coup, par des employeurs différents le plus souvent, pour un jour ou plusieurs semaines. Il est donc d’usage depuis longtemps, si ce n’est toujours, d’être engagé en Contrat à Durée Déterminée d’Usage, en abrégé C.D.D., pour la durée du tournage ou une durée plus courte encore.
Cette spécificité du monde du spectacle a entrainé la création d’un régime spécial d’assurance chômage nommé Intermittence.
L’intermittence n’est donc pas un métier, mais un statut professionnel qui regroupe tous les métiers du spectacle des Annexes VIII et X de la convention collective, c’est à dire les artistes, les techniciens, les ouvriers, les réalisateurs pour une partie de leur rémunération, mais pas les scénaristes ni les compositeurs qui ont chacun leur régime particulier avec les droits d’auteurs.
Pour éviter toute confusion, il convient de préciser qu’un intermittent n’est ni un intérimaire, ni un saisonnier. Il est d’ailleurs interdit depuis plus de 25 ans de travailler comme intérimaire en tant qu’intermittent car il n’est plus permis de prélever un pourcentage sur le salaire d'un ouvrier ou d'un technicien pour une entreprise privée.
Obtenir ce statut est le but de tous, mais il y a des critères spécifiques à remplir : déclarer 507 h. de travail payé officiellement et déclaré à l'Urssaf, donc ayant cotisé à l'Assedic. En dehors de cela, le statut n'est pas accordé. Les heures travaillées sont affectées sur votre compte au régime général, certes, mais c'est moins avantageux. Par ailleurs, si vous travaillez en partie dans le spectacle et pour une autre partie hors spectacle, vos heures hors spectacle ne seront pas reconnues pour l'intermittence.
Naturellement, inutile de rêver à l'intermittence si, par exemple, vous travaillez au noir ou ne faites que du body-painting sans y avoir été engagé par une production de spectacle. C'est logique et normal : s'il n'y a pas de cotisations versées à l'Assedic, vous n'y avez tout simplement pas de droit.
Comme beaucoup de jeunes gens arrivant sur le marché du travail, les jeunes maquilleurs ignorent généralement les règles du travail et confondent les statuts de commerçant, d'artisan et de salarié. Je vais donc les indiquer ici pour l'essentiel, en commençant par rappeler la règle pour les salariés du spectacle.
En tant que travailleur intermittent (maquilleur, coiffeur, habilleuse, etc…), vous serez donc engagé par une production avec un contrat d'embauche, appelé aussi contrat de travail, précisant obligatoirement noir sur blanc les mentions suivantes :
Ce contrat est la seule garantie du technicien. Beaucoup de petites productions, n'ayant pas les reins assez solides, essaient de passer outre et de vous engager sans contrat, donc sans aucune garantie, et prétendent vous embaucher au noir, en tout cas sans contrat (et dans ce cas, comment vous faire payer en cas de défaillance de l'employeur à la malhonnêteté réelle mais pas si évidente que ça ou prendre en charge par la Sécurité Sociale en cas d'accident du travail ?) ou vous faire faire une facture comme un commerçant (ce que le technicien n'est pas) si vous vendez des pièces, ou comme free-lance si vous êtes sans employeur actuellement.
Or un technicien du maquillage, le maquilleur intermittent sans emploi, n'est pour autant pas un travailleur indépendant ou libéral au sens juridique du terme.
Certains vous affirmeront abusivement que ce contrat paie votre tarif convenu, un point c'est tout. Or, sachez-le, il n'en est rien.
Le contrat faisant référence à la Convention Collective, toutes les clauses de cette Convention s'appliquent :
Voyez les détails dans le texte officiel, ce sera une lecture très instructive et utile pour vous faire payer si vous êtes maquilleur ou coiffeur, ou vous aider à payer équitablement ce que vous devez à ceux que vous engagerez si vous êtes réalisateur ou producteur.
Tout cela a l'air complexe, et ça l'est. Pourtant, n'ayez pas peur ! la solution existe, il suffit de la connaitre.
Pour éviter des angoisses à tout le monde, employeur comme employé, il existe depuis quelques années un logiciel, STARBIZ, dont l'adoption est en train de se généraliser dans les bonnes productions. Les paramètres de la Convention Collective y sont déjà enregistrés, et il suffit de créer une ligne avec votre nom, vos coordonnées recueillies sur votre contrat et votre feuille d'embauche pour savoir ce qui vous est dû ou le montant du virement que vous allez devoir faire. On entre votre heure d'arrivée et votre heure de départ, avec votre heure de pause réglementaire, et les calculs se font automatiquement. Vous recevez, en général en fin de mois, votre feuille de salaire, votre chèque congés spectacle et votre feuillet Assedic.
Non seulement, ça ne prend plus un temps infini comme autrefois, mais ça évite les erreurs ou omissions et l'employé perçoit son dû intégralement. La paye se fait enfin sereinement. Les employeurs du spectacle n'ont plus d'excuse pour ne pas vouloir vous faire de salaire.
Où trouver ce logiciel extraordinaire ? ICI. Etudiez-le bien, suivez les démarches indiquées selon que vous êtes employeur ou employé et vous aurez vite un gros souci en moins.
Pour vos premiers contrats professionnels sérieux, comme assistant ou renfort, vous serez engagé par un chef-maquilleur qui négociera votre salaire et défendra vos intérêts vis à vis de la production. Vous avez donc intérêt à être bien avec lui (ou elle).
Quand vous en serez au stade de travailler seul, vous aurez déjà acquis de l'expérience et saurez sans doute comment négocier un contrat et sur quelles bases.
Néanmoins, en attendant cet heureux jour, les tarifs conventionnels sont disponibles en ligne et révisés, en principe — mais il y a parfois des décalages à la publication…— en Janvier et Juillet de chaque année. Y sont mentionnés les tarifs pour le cinéma et la publicité des : chef-maquilleur, maquilleur (assistant), chef-coiffeur, coiffeur (assistant coiffeur), à la semaine (35 et 39h) et à la journée, ainsi que les conditions de rémunération des heures supplémentaires. Ce sont les tarifs minimums pour débuter dans chaque fonction citée, vous pouvez donc — et même, devez — demander plus quand vous avez déjà fait quelques films. Cela vous donnera une idée de quoi demander quand on vous propose un projet, et même si on vous propose de travailler bénévolement, faites connaitre le prix du travail des maquilleurs. Certains demandeurs de bénévolat vont crier, mais il faudra bien que les choses se calment et que leurs tarifs remontent à un niveau plus raisonnable pour tous.
Nous verrons au chapitre suivant quelque chose à ce sujet.
Qu’est-ce au juste qu’un Free-lance ?
A l’origine, un free-lance était un soldat mercenaire qui se faisait payer où il voulait aller, dans son pays ou un autre, par qui l’employait alors que les serfs (= esclaves, en fait) assujettis à des seigneurs et à leur territoire n’avaient pas le droit de circuler librement. D’où le mot free qui veut dire libre (et pas seulement gratuit). Aujourd’hui, ce sens n’a plus lieu d’être, mais le mot est resté dans les pays anglo-américains pour désigner des personnes n’appartenant à aucune autre entreprise qu’eux-mêmes et donc libres d’accepter un travail temporaire n’importe où.
Aux USA et au Royaume Uni, ce sont en fait des artisans indépendants sans entreprise-mère, et donc non salariés par un employeur mais payés par leur client. Ils facturent donc leur travail comme le feraient nos artisans français. Mais ils peuvent déduire leurs frais de leur chiffre d’affaire et ne payer des impôts que sur ce qui reste, le bénéfice.
En France, le gouvernement confond le bénéfice et le chiffre d’affaire et n’autorise pas la déduction des frais des auto-entrepreneurs. Ce n’est pas du tout la même chose et ça fait une énorme différence. Chacun sait qu’un maquilleur a besoin de plus de fournitures fraiches qu’un conférencier.
Et le statut Free-lance en France, alors ?
— Dans l'état actuel de la législation, ce statut n'existe pas dans le Droit français.
Eh oui ! Même si certains employeurs peu désireux de payer les cotisations salariales le voudraient, pour leur part, patronale, et pour celle de leurs employés, salariale, comme cela se pratique dans certains pays voisins, on n'a ni le droit de vous le demander, ni de faire une facture comme un « free lance » en France. Il n'est donc pas question d'accepter d'en faire régulièrement (une microscopique enveloppe de BNC de l'ordre de 1 200 € par an environ est toutefois permise, mais ça ne permet pas d'en vivre correctement avec sa famille en renonçant aux avantages sociaux des salariés).
C'est certainement un peu contraignant, pourtant les employeurs doivent bien réviser leur conception de leurs droits et des vôtres et vous salarier normalement. Au moins jusqu'à ce que la loi évolue.
Bien que hors cinéma-spectacle (mais est-ce vraiment hors spectacle ?), on veuille contraindre le maquilleur à faire des factures de travailleur indépendant (prétendu équivalent du freelance anglo-américain), à l’évidence, vous avez tout intérêt à ne pas accepter de telles propositions, même si elles sont de plus en plus fréquentes, en photo et mode notamment, et à demander fermement à être payé en salaires, légalement. Pour vous donner davantage de précisions sur les avantages et inconvénients de ce statut, je vous propose ce lien, mais il y en a beaucoup d'autres sur Internet.
Il est donc grand temps qu'enfin un statut juridique national reconnaisse la profession de maquilleur et ses particularités en tant que telle dans ses divers secteurs d'activité, car aujourd'hui, la Loi ne reconnaît que le statut de salarié intermittent dans le spectacle et il n'est pas permis de cumuler les statuts de salarié et d'indépendant sans perdre ses droits sociaux. Mais ce n'est pas ici la place de trop développer ce problème puisque, précisément, cette série d'articles ne concerne QUE le maquillage au cinéma. Pour ceux que cela intéresse, je les invite à consulter des spécialistes du droit du travail à l'Urssaf et au fisc.
J'ignore malheureusement la situation dans les autres pays francophones où il y a du cinéma. Aussi, si des collègues et amis maquilleurs du Canada, notamment au Québec, de Belgique, de Suisse ou des pays africains pouvaient m'envoyer un topo clair et précis de la situation dans leur pays à cet égard, je pourrais en faire des synthèses et les rajouter ici. Je crois que cela pourrait être intéressant et instructif pour tout le monde.
Le statut Micro-Entrepreneur – qui a remplacé depuis le 1er janvier 2018 l'ancien Auto-Entrepreneur – n'est conçu que comme revenu d'appoint par le législateur, et non pour vous permettre d'exercer toute votre vie comme métier principal, car les plafonds de ressources annuels actuellement autorisés sont trop bas, et au delà, vous devez vous déclarer comme artisan ou commerçant. C'est fait idéalement comme complément de ressources pour un actif déjà régulièrement salarié qui veut préparer le lancement d'une nouvelle activité, des jeunes qui se lancent, ou un retraité qui veut faire des conférences qui ne nécessitent aucun frais, ou des activités similaires, car les frais – comme nous l’avons déjà vu dans la section précédente – ne sont pas déductibles avant calcul de l'impôt et des taxes. A quoi bon payer des impôts et taxes sur l'argent que vous avez déjà dépensé, y compris un impôt sur la TVA de ce que vous avez consommé ? C'est absurde, et il faut obtenir un autre statut réel pour exercer le métier de maquilleur légalement.
Le micro-entrepreneur étant comme son nom l'indique un entrepreneur, donc un patron non salarié, ne cotise pas à la caisse des salariés et ne peut prétendre à toucher une indemnisation chômage. Le Gouvernement a annoncé une prochaine révision de cette disposition pour la rentrée 2018, attendons-la pour savoir ce qu'il en sera vraiment alors.
Mise à jour : Une lueur…
Il semble, toutefois, qu'il soit désormais possible de s'inscrire en micro-entreprise comme : "Activité de soutien au spectacle vivant." sous le numéro de Code 9002z. Mais il vous faudra une grosse clientèle pour en vivre. Cela vous permettra d'aller maquiller des mariées, de faire des body-paintings, des maquillages Halloween ou des maquillages d'enfants pour animer un anniversaire, une fête d'école ou une vente de livres dans un centre commercial, ou d'autres choses qui se rapportent à ces activités, très bien !
Mais en aucun cas vous ne pourrez facturer une prestation maquillage au cinéma car c'est strictement interdit par la Convention Collective Nationale qui précise, répétons-le, que tout technicien de plateau doit être engagé sous contrat par la production et payé en salaire par cette même production, avec fiche de paie, chèque Assedic, Congés-Spectacles, et tout ce qui est réglementaire (mais il existe maintenant des logiciels comme le STARBIZ évoqué plus haut et de plus en plus répandu dans le spectacle qui remplissent ces fastidieuses formalités rapidement et automatiquement, rassurez-vous).
Ceci est encore loin d'être une reconnaissance officielle du métier de "Maquilleur", mais c'est déjà un début. Pour qu'une reconnaissance officielle, nationale, intervienne, il faudrait que tous les maquilleurs aient une base d'éducation professionnelle commune, or c'est très loin d'être le cas, puisque certaines esthéticiennes se déclarent "maquilleuses" sans savoir faire ce que doit faire un maquilleur, ce qui constitue une "concurrence déloyale" dont se plaignent beaucoup de ceux/celles qui ont fait des études de maquillage plus poussées que les esthéticienne niveau CAP. Les maquilleurs, je l'ai déjà dit, n'ayant pas la formation professionnelle des esthéticiennes ne leur prennent pas leur boulot.
On a beaucoup vanté le portage salarial pour faire du maquillage. A tort. Outre le fait qu’il était illégal depuis des dizaines d’années de prélever une commission sur une prestation de technicien (et d'ouvrier), beaucoup d’employeurs refusaient d’augmenter le montant proposé pour que l’employé n’ait pas à supporter ce prélèvement sur son travail. Ça n’aidait donc pas autant que certains le prétendaient, et le T.G.I. de Paris a condamné et interdit cette pratique pour les intermittents le 7 Mars 2017 comme on peut le lire dans cet article. N’en parlons donc plus.
Il ne faut pas accepter ce genre de choses car Pôle emploi n’accepte plus non plus les références et les heures faites sous ce principe : vous ne pourriez pas être admis à faire valoir vos droits à l'intermittence sur cette base, ni à les renouveler.
Pour les petites prestations occasionnelles, le GUSO est la solution idéale et simple pour vous faire payer en salaire dans le spectacle vivant, conservant ainsi tous vos avantages salariaux : sécurité sociale et retraite, et allocation de chômage si besoin est.
Et, malheureusement, dans l’intermittence, le besoin est fréquent, même si le statut d’intermittent n’est pas accordé si vous n’avez pas assez travaillé d’heures cotisées et déclarées à Pôle-Emploi.
Donc, plus vous déclarerez d’heures travaillées dans le spectacle, plus vite vous aurez les 507 heures nécessaires pour ouvrir vos droits à l’intermittence.
Guillaume, de RougeVertBleu, a publié un article très intéressant sur Facebook, amusant tout en étant très sérieux, et je vous invite à le lire ici, ainsi que les autres articles qu’il a écrit sur le sujet.
Naturellement, ces maquilleurs, électrons libres (faute d’un autre terme, mais n’y voyez pas mal, svp, merci), qui ne travaillent pas dans le spectacle, et donc n’y cotisent pas, ne peuvent prétendre aux indemnisations du chômage ASSEDIC qui actuellement sont prévues uniquement pour les salariés, intermittents ou non.
Avant les années 60 et jusque dans les années 70-80, avant la création et l’essor des écoles de maquillage professionnel actuelles, l’accès au métier était réglementé par les textes du Centre National de la Cinématographie et se faisait par ce que l’on appelait alors la Voie Royale : on devait être stagiaire (apprenti, selon les termes des anciennes corporations) sur trois films français de long métrage, puis assistant (compagnon), sur six films français (ou co-productions majoritairement françaises) de long métrage, et de préférence avec un maximum de chefs-maquilleurs différents (on en apprend ainsi davantage qu’avec un seul), avant de pouvoir déposer un dossier de demande de Carte d’Identité Professionnelle de Chef-Maquilleur (Maître) au CNC, vous autorisant légalement à exercer seul, donc en chef responsable d’un film, le métier de maquilleur de cinéma. Une dérogation était parfois accordée s’il manquait un assistanat et qu’une occasion sérieuse se présentait.
Après avoir été longtemps combattu sous le Président F. Mitterrand et le Ministre de la Culture J. Lang, sous le prétexte d’atteinte au droit au travail (va-t’on aussi prétendre qu’un diplôme de médecin est une atteinte au droit au travail ? — Non, ça évite juste que des gens non qualifiés se prétendent médecins.), ce système a finalement été aboli sans débat parlementaire ou paritaire par une ordonnance publiée discrètement au J.O. le 24 Juillet 2009 relative à la partie législative du Code du Cinéma et de l’Image animée :
Article 10 :
Sont et demeurent abrogés :
8° La décision réglementaire du Centre national de la cinématographie n° 51 du 10 juillet 1964 fixant les conditions de délivrance de la carte d’identité professionnelle ;
Fait à Paris, le 24 juillet 2009.
NICOLAS SARKOZY
Par le Président de la République :
Le Premier ministre,
FRANÇOIS FILLON
Le ministre de la culture et de la communication,
FRÉDÉRIC MITTERRAND
On ne peut donc que regretter une telle suppression, car, en l’absence d’un diplôme national, la Carte Professionnelle était la seule garantie pour une production d’un minimum de formation du maquilleur responsable — puisque, rappelons-le, les diplômes des écoles privées (juridiquement de simples certificats de scolarité) ne garantissent pas un cursus national commun réglementé, ils ne sont d’ailleurs pas reconnus par l'État. La C.I.P. était obligatoire pour faire un film de long métrage ou un téléfilm en chef, mais il n’y en avait pas pour être stagiaire ou assistant d’un chef présent sur le tournage.
De plus, puisque nationale, elle était valable dans tous les domaines (LM, CM, téléfilms et séries, théâtre, etc…), même si la loi ne l’exigeait pas dans tous. Elle n’était jamais requise en mode, événementiel ou artistique puisque cela ne dépendait pas de la juridiction du Centre National de la Cinématographie.
Pourtant, il faut évidemment un minimum de qualification garantie pour faire un film comme maquilleur, comme en cuisine, au restaurant ou en comptabilité dans une banque. C'est une sécurité non seulement pour le producteur et le réalisateur, mais aussi pour les acteurs sur la peau desquels le maquilleur travaille, et pour le maquilleur lui-même. On n’a pas le droit de causer du tort à la peau d’un artiste parce qu’on s’est cru capable de faire un boulot pour lequel on n’est pas suffisamment formé et qualifié. Et c’est se priver de la possibilité qu'une personne qualifiée engagée sur le film puisse vous faire engager à votre tour et vous forme à ce qui vous manque.
Comment faisait-on alors ces fameux 3 stages et 6 assistanats ? Il fallait contacter des chefs-maquilleurs jusqu’à en trouver un qui ait besoin de quelqu’un à ce moment là, et il vous faisait engager par la production. Comme il n’y a pas d’emploi régulier dans ce métier, cela demandait de gros efforts ; patience et persévérance étaient indispensables, et le découragement à proscrire.
Malgré les écoles, c’est encore le cas aujourd’hui.
Notons que le poste de stagiaire maquilleur n’existe plus. On doit donc entrer directement comme assistant auprès d’un chef de service et donc être immédiatement « productif ». Il faudra donc avoir acquis les qualifications pour cela auprès d’une maquilleur déjà qualifié ou d’une école.
Comme nous l’avons vu, il n’existe pas encore en France de cursus national commun obligatoire pour toutes les écoles ; elles sont donc libres d’enseigner ce qu’elles veulent, comme elles veulent et au prix qu’elles veulent. Néanmoins, vous pouvez vous faire une idée de ce que devrait être un tel cursus minimum (chacun gardant le droit d'enseigner plus en modules supplémentaires) en relisant le chapitre précédent : Les différents types de maquillage au cinéma. Pour bien vous préparer au métier de maquilleur de cinéma, et être utile aux chefs maquilleurs qui auront besoin de vous, vous devriez apprendre à faire tous ces maquillages-là, à les faire durer toute la journée et donc à les entretenir. En sortant de l'école, naturellement, vous ne pourrez pas encore tout maîtriser car vous n'aurez appris que des bases trop souvent succinctes et ignorerez encore les conditions de la vie de plateau, très différentes du calme douillet d'une salle de classe, mais au moins vous serez capable de suivre et d'aider utilement le chef maquilleur qui vous aura fait venir sur un tournage.
Le prix d’une école de maquillage professionnel peut paraître cher, mais il ne l’est que si l’on n'accorde pas de valeur au maquillage - ni aux maquilleurs expérimentés qui l’enseignent et qu’il faut bien rémunérer correctement - ou si le programme enseigné ne répond pas suffisamment sérieusement aux exigences professionnelles réelles. Il faut donc relativiser cette notion de cherté. En outre, de larges subventions sont accordées par les organismes de formation professionnelle initiale ou continue. De plus, si chères qu’elles paraissent être, les écoles françaises sont souvent moins chères que les écoles américaines, ou anglaises, mais les programmes n'y sont pas toujours équivalents ni aussi complets, loin de là.
Certains élèves se destineront au cinéma-spectacle, d’autres préféreront la mode, la photo ou l’événementiel, aussi les écoles enseignent-elles, en principe du moins, toutes les disciplines du maquillage, et c’est très bien ainsi car un maquilleur de cinéma doit pouvoir tout faire.
Un maquilleur qui n’aurait fait que les cours de beauté, ne saurait prétendre être un vrai maquilleur de cinéma dont le cursus doit être plus complet. De plus, les maquilleurs anglo-américains ne le considéreraient pas comme un vrai maquilleur de cinéma puisqu'il ne pratiquera pas comme eux les disciplines nécessaires dans cette industrie.
Mais ne rêvons pas : on n’apprend pas tout en trois mois, encore moins en deux semaines de cours du soir. S’il faut deux et trois ans aux coiffeurs et esthéticiennes pour obtenir un diplôme national en deux degrés, voire trois ou quatre années avec la Maîtrise, pourquoi les maquilleurs auraient-ils besoin de moins de temps pour un programme sérieux et vraiment complet ? Et croyez-moi, il y a beaucoup à apprendre et beaucoup à faire avant d’arriver à un niveau sérieux raisonnable. On ne devient pas maquilleur de fiction par caprice orgueilleux, mais par le travail et la patience.
Naturellement, les maquilleurs qui voudront se spécialiser en beauté, mode, mariage ou maquillage artistique, seront moins exposés à devoir faire des vieillissements, blessures ou postiches qu’un maquilleur de cinéma, et si cela leur arrive en ville pour une fête, ils n’auront pas la même exigence de résultat de qualité pour ce genre de choses que pour l’écran. Mais, c’est là qu’ils auront du mal non à travailler, mais à se faire payer juridiquement si les employeurs refusent de les salarier comme l’impose encore la législation actuelle. Ils ne pourront en effet pas facturer comme artisan puisqu’ils ne le sont pas, ni comme société commerciale, ce ne serait probablement pas rentable, ni comme micro-entrepreneur, sauf à frauder et se faire enregistrer sous une autre appellation professionnelle aux risques juridiques peut-être différents au regard des assurances.
Pour bien choisir votre école, vous devrez chercher les programmes des cours de plusieurs écoles, vérifier si leurs orientations conviennent à vos aspirations et si les cours sont donnés par des personnes qualifiées, capables de vous transmettre une réelle expérience acquise pendant des années sur le terrain, et non par des maquilleurs qui n’ont jamais fait un vrai long-métrage ou les élèves de l’année précédente comme ça se voit parfois (hélas pour les nouveaux élèves et pour les maquilleurs qui les reçoivent ensuite sur les plateaux !). Vous devrez y trouver des classes, donc des professeurs spécialisés, pour les trois disciplines principales : le cinéma-spectacle (classe complète, théâtre et TV en font partie, ainsi que les postiches – pas seulement un seul type de barbe, mais aussi boucs, colliers, favoris divers, les techniques étant différentes – et les prothèses), la mode et la photo, le maquillage artistique ou body-painting. De plus, depuis quelques années, la technique de l’aérographe est employée dans divers domaines avec des produits de diverses natures, il sera donc bon de vous assurer que son enseignement vous sera également prodigué.
Naturellement, il est indispensable que vous soient enseignées des bases solides de cosmétologie, d’hygiène et sécurité pour l’usage des produits d’effets spéciaux, d’histoire du maquillage et des modes (coiffures et poil facial), d’histoire du Théâtre et du Cinéma. Il est souhaitable de savoir dessiner, au moins un peu, et indispensable d'apprendre à sculpter, modeler et mouler pour les prothèses. La connaissance de langues étrangères, notamment l'anglais, est un plus quasiment indispensable. Vous devrez apprendre à vous constituer un fichier iconographique de références et à le mettre régulièrement à jour à chaque occasion.
Si vous choisissez l'option cinéma, vérifiez qu'on ne gaspillera pas votre temps sur des matières peu utiles : passer du temps sur les postiches et les petites prothèses est plus utile que sur le body-painting. Les monstres sont plus rarement demandés que les vieillissements : même si c'est moins amusant et spectaculaire, c’est aussi beaucoup moins cher pour le budget de la production. Sinon, vous devrez faire des stages de formations complémentaires à vos frais.
Vérifiez aussi si le matériel est fourni ou à vos frais et la durée des cours.
Aucun maquilleur que j’ai rencontré dans ma longue carrière ne trouve tout ce dont il a besoin chez un seul fournisseur : vous devrez donc apprendre à connaître toutes les marques professionnelles, toutes les textures, tous les produits afin de pouvoir déterminer le plus approprié à un projet futur qui vous sera présenté. Si l’école ne vous enseigne que les produits de sa marque, cherchez dans les magasins spécialisés ou sur Internet des renseignements sur les autres marques et produits. Mais, bien entendu, vous n’utiliserez pas tout et ferez vite votre choix judicieux de matériel au fur et à mesure de votre expérience.
Une démonstration d'une journée ou un simple survol sans la pratique ne suffiront jamais à faire de vous un maquilleur compétent. Pour ceux qui voudraient devenir maquilleurs de cinéma, puisque c’est le thème de cet ouvrage et ma spécialité principale, je recommande un enseignement long, un an très concentré au moins, de préférence deux, afin d’avoir le temps de bien pratiquer et mûrir afin de maîtriser toutes les techniques, y compris celles des autres disciplines, car personne ne réussit de chef-d’œuvre du premier coup. De plus, cela vous permettra de passer plus de temps en documentation.
En tout état de cause, vérifiez si les maquillages enseignés dans l’école sont de la qualité de ceux que vous voyez sur les écrans de cinéma, et le cas échéant, estimez en quoi ils sont différents. Cela vous donnera des arguments pour demander des cours de qualité correspondant à vos besoins futurs réels.
Les maquilleurs américains étaient autrefois formés dans les studios des majors pendant 50 semaines de 5 jours de 10h (2500 heures !…) par an pendant deux ou trois ans, puis ils devaient passer un concours devant les représentants des autres studios et des syndicats de maquilleurs. Après quoi, s’ils avaient réussi leur test, ils étaient autorisés à prendre un film en charge. Bien entendu, ils avaient alors effectué largement l’équivalent de nos trois stages et six assistanats, et connaissaient non seulement les techniques, mais la vie de plateau (qui ne s’apprend évidemment pas à l’école) et l’éthique du métier, ce dont on ne parle que peu ou pas du tout dans les écoles.
Le programme du concours était le même pour tous, et comportait les épreuves suivantes, chacune avec une durée limitée correspondante : naturel, correctif, beauté, pose et maquillage d’un faux crâne, une barbe au poil à poil, une blessure, un vieillissement fait sur place avec les moyens du bord (sa boîte), un autre avec des prothèses (éventuellement perruques). Au jury, un représentant de l'Academy of Motion Pictures (celle des Oscars), du syndicat des maquilleurs (aux USA, la profession étant reconnue, peut être représentée légalement par un syndicat ; ce n’est pas le cas en France actuellement), et des autres Majors, mais pas de l'école du Studio qui avait enseigné, pour garantir la réelle compétence technique professionnelle des candidats sans aucun favoritisme.
Il est souhaitable que tout candidat à devenir maquilleur de cinéma sache au moins faire cela. Il est aussi souhaitable aujourd’hui qu’il sache faire du body-painting et manipuler un aérographe. Vous devrez donc vous assurer que ces disciplines figurent au cursus standard de l’école de votre choix.
De plus, un certain nombre d’effets simples à réaliser sur place à partir de sa boîte, sont indispensables à apprendre.
La fabrication et la pose de prothèses simples, y compris les faux crânes, feront partie intégrante de ce cursus standard. La fabrication de prothèses plus élaborées, ou d’effets spéciaux, pourra faire l’objet d’un module complémentaire, indispensable pour ceux qui voudront acquérir un haut niveau dans le cinéma-spectacle.
Aujourd’hui, les studios américains ne forment plus de maquilleurs, puisqu’il n’y a plus de département maquillage intégré, et les examens ci-dessus indiqués ont été abandonnés récemment au grand mécontentement des anciens qui ont passé les tests de compétence et voient arriver des jeunes pas toujours aussi bien formés qu’il le faudrait. Il y a, cependant, à l’Académie des Oscar, un département maquillage où des représentants des maquilleurs, eux-mêmes oscarisés ou au moins nominés, veillent à la qualité professionnelle des maquillages en compétition pour leur célèbre récompense. A quand la même chose en France avec nos César ?…
Tout cela représente beaucoup de choses utiles à apprendre pour pouvoir faire du maquillage au cinéma. Alors, non, ces formations longues ne sont pas démodées, vieux jeu ou inutiles ! Ce ne sont pas des études imposées bêtement pour vous empêcher de gagner tout de suite votre vie, comme je l'ai lu parfois, mais au contraire des études sérieuses qui vous permettront de vous faire une bonne place dans ce qui est un vrai métier et surtout d'y durer. Il faut donc que votre école enseigne tout cela, au moins, et plus si elle veut et s'il y a assez de temps pour cela dans l'année scolaire.
A propos des bases minimum, je vous recommande la lecture du chapitre 3 : les différents maquillages au cinéma. Si vous ne maîtrisez pas correctement ces bases, il faut vous rapprocher d’une école qui les enseigne en module spécifique.
En outre, vous devrez commencer à apprendre le pourquoi du maquillage avant de penser au comment. Ceci fera l’objet du chapitre 6 : La préparation avant tournage.
Et aussi : après l'école, tout au long de votre carrière, vous verrez le métier évoluer sans arrêt : vous devrez alors continuer à apprendre les nouvelles techniques et les nouvelles matières, et continuer à vous entraîner, même à vos frais (mais vous le ferez avec plaisir) pour ne pas rester figé et évoluer.
Voyons dans le chapitre suivant les démarches à accomplir pour trouver du travail sérieux.