Chapitre 10
Ces deux termes bien qu'ayant un sens différent sont utilisés pour désigner une perruque sans chevelure simulant une calvitie. La calotte désigne une coiffe posée sur la tête sans visière ni rabat, tandis que le faux crâne désigne l'effet recherché. On pourra donc employer les deux au choix.
Les calottes, ou faux crânes, servent non seulement à simuler des calvities, totales ou partielles, comme leur nom le laisse supposer, mais aussi et très fréquemment pour protéger les cheveux avant un moulage de la tête ou un maquillage entièrement en prothèses.
Il y a des calottes standard pour un usage général, pour les prises d’empreintes ou sous une série de prothèses, et des calottes sur mesures pour des usages particuliers, principalement pour celles qui simuleront une calvitie visible.
Si les petites blessures et la plupart des autres effets nécessitent des moules creux, les faux crânes sont le plus souvent réalisés sur un moule en relief, en forme de tête.
Kryolan commercialise depuis des décennies une tête en plastique rouge qui est devenue le moule standard des maquilleurs et des écoles du monde entier pour réaliser pratiquement et pour un prix très abordable des faux crânes en latex ou en plastique. Malheureusement ce moule conserve en relief la trace de son moulage, une ligne tout autour de l’axe vertical de la tête, et les marques des dimensions (Ø 55 et Ø 57) en centimètres des tours de tête possibles. Ces marques indésirables doivent être limées puis poncées au papier de verre à l’eau avant la première tentative de réaliser utilement une calotte.
Il existe aussi maintenant des têtes absolument lisses en porcelaine (Kryolan, Grimas,…), ce qui signifie qu’elles sont beaucoup plus lourdes et fragiles, et aussi beaucoup plus chères. A réserver pour un usage standard de premier plan.
On pourra éventuellement les mouler en silicone pour en tirer des copies en plâtre ou en résine Polyuréthane.
Mais on commence à en trouver, chez les marchands spécialisés ou en ligne, à un prix plus raisonnable, en fibre et mousse de Poly-Uréthane (P-U) assez dense dans différents tours de tête, du Ø 52 au Ø 59 cm., une tête bleue de la marque Tiga-D dont on notera que la nuque est plus longue, permettant de faire descendre la perruque dans un col de chemise pour cacher des cheveux longs ou un système pour pomper du sang ou autre chose.
Cette tête, toutefois, ne servira que pour une seule taille ; il en faudra donc plusieurs pour faire face à différentes situations.
Notons toutefois qu'un 57 pourra aller aussi bien sur un 56 ou 58, mais sera trop grand pour un 54 et trop petit pour un 60.
Une technique beaucoup plus complexe et plus longue sera réservée pour les films à gros budget avec des moules spéciaux : un négatif d’une seule pièce entourant la totalité de la sculpture et un noyau déboîtable, en plusieurs pièces, permettant de démouler une prothèse unique en mousse de latex ou en silicone et de la poser sans couture. Ces moules étant très compliqués à réaliser, donc chers, ne sont pas encore d’un usage courant en France, mais certains de nos maquilleurs les réalisent déjà. Ils sont évidemment d’abord réservés à des calottes sur mesures pour un acteur particulier, mais si on a la place de les stocker, ces moules pourront resservir pour un autre artiste qui aura des caractéristiques crâniennes compatibles.
Rappelons que les calottes plastiques ne servent qu’une fois, il en faut donc une par jour au cinéma ou idéalement à chaque représentation au théâtre pour un crâne absolument chauve.
Au théâtre, lorsqu’une couronne est nécessaire pour simuler une calvitie partielle, on peut soit poser une perruque dégarnie ou une couronne sur une calotte complète, soit faire une calotte partielle réutilisable en changeant seulement le front, ou encore utiliser une perruque toute faite en silicone achetée dans le commerce professionnel spécialisé. Nous verrons cela plus loin.
Les faux-crânes peuvent être réalisés avec du latex liquide ou une matière plastique liquide spéciale pour cet usage.
Si le latex est relativement générique, les plastiques à faux-crânes, plus récents, sont encore sous des noms de marques propriétaires diverses, donc de formules diverses, principalement à base vinylique soluble dans l’acétone ou acrylique soluble dans l’alcool isopropylique. Chacune de ces formules a ses avantages et ses inconvénients. Les maquilleurs auront donc intérêt à approfondir cette importante question avec des gens compétents en la matière. Une bonne aération est indispensable avec les deux produits d’odeur désagréable. En France, une aération forcée est même obligatoire pour l'acétone dans les établissents du secteur public, théâtres ou studios de télévision, en raison des risques d'inhalation prolongée toxique et d'inflamabilité liés à ces produits.
Il sera bien plus rapide de faire plusieurs calottes en même temps qu’une seule à la fois (voir plus loin). Avoir plusieurs moules disponibles est donc un gros avantage, sans compter qu’il est toujours bon d’en avoir un en plus pour conserver et présenter les pièces avant de s’en servir.
Il y a plusieurs façons de procéder, mais on fera toujours les bordures plus fines que le sommet du crâne afin que les pièces soient plus faciles à coller et camoufler.
Le latex est vendu Clear (= Naturel) ou parfois coloré. Clear, il sera blanc sous forme liquide mais sèchera translucide jaunâtre ; coloré, il aura une teinte peau très approximative. Il vaudra mieux l’acheter clear si vous pouvez et le colorer vous même. Quelques essais seront indispensables pour trouver le bon dosage de colorant à introduire dans le latex.
Les plastiques à faux-crânes sont généralement vendus transparents ou translucides, mais on en voit aussi des colorés "Flesh tone" (ou "Ton de peau", en caucasien, asiatique ou africain. Mais on vent maintenant couramment des colorants adéquats un peu partout sur Internet ou chez les marchands spécialisés, vous permettant de réaliser simplement vous-même une teinte plus précise et parfois plus appropriée.
Pour fabriquer des calottes, on se procurera, dans les magasins spécialisés en maquillage, Beaux-Arts, produits de moulage, etc…, du latex naturel dit pré-vulcanisé ce qui signifie qu’il contient déjà juste ce qu’il faut pour lui conférer solidité et élasticité une fois sec. Il sera donc déjà un peu opaque et, blanc à l’état liquide, deviendra jaune plus ou moins translucide en séchant, ce qui conviendra très bien pour des asiatiques, des méridionaux ou autres peaux moyennement foncées. On pourra le teinter avec quelques gouttes de colorants acrylique à l’eau, voire de la gouache. J’y mets personnellement un tout petit peu, quelques gouttes, de sang liquide pur pour teinter du latex pour peau blanche, mais on peut garder la couleur jaunâtre pour les asiatiques, les méditerranéens et les noirs clairs. Attention, une fois sèche, la couleur est beaucoup plus foncée qu’à l’état liquide. Il faudra prendre le temps de faire des essais avant de tenter le tirage d'une pièce importante.
Notons que le latex rétrécit d'environ 15% au séchage, par l'évaporation de l'eau de la masse initiale. Il sera donc sage de penser à prendre une tête en 55 si vous voulez couvrir une tête en 54 avec des cheveux courts. Une tête en 56 sera utile s'il y a une masse importante de cheveux à couvrir.
Ce latex pourra être maquillé aux fards à l’alcool, palettes ou aérographe, ou au RMGP (= Rubber Mask Grease Paint = fard gras pour les masques en caputchouc).
Pour des prises d’empreintes, la coloration n’est pas utile pour une calotte non visible. En revanche, quand elle devra faire partie d’un maquillage, et donc être vue, même si on peut facilement la colorer avec des fonds de teints spéciaux, on aura avantage à pré-teinter dans la masse en mettant quelques gouttes de colorant acrylique, vinylique ou silicone dans le liquide. Il est indispensable de bien mélanger et dans un but de continuité, indispensable au cinéma, de préparer une quantité suffisante du produit pour réaliser la totalité des calottes nécessaires s’il y a une longue série en perspective.
Le plastique rétrécit d'environ 1% en séchant, et durcit au froid pour se ramollir à la chaleur, mais ce n'est pas un inconvénient majeur compte tenu de sa souplesse. Si donc vous avec une calotte un peu dure, ou plissée, au moment de vous en servir envoyez un peu d'air tiède avec un séchoir à cheveux – qui vous servira lors de la pose de toute façon – cela assouplira votre calotte et vous aidera à l'enfiler sur la tête de l'artiste sans la déchirer (enfin, si vous y faites attention, évidemment).
Ces calottes pourront être colorées avec des fards à l’alcool, des RMGP ou certains fards-crèmes.
Quoique cela ne soit pas strictement indispensable, il est souhaitable de préparer la tête pour faciliter le démoulage, surtout si elle est en plâtre.
On passe alors une fine couche de démoulant, vaseline poudrée ou talquée ; on peut aussi utiliser de la cire de démoulage, en liquide ou en bombe. Deux couches fines que l’on laisse sécher avant de passer à la suivante sont préférables à une seule épaisse. Jadis on utilisait aussi du savon noir légèrement dilué mais cela prenait beaucoup de temps à sécher. Cela ne se pratique plus, sauf imprévu.
Il y a aussi des démoulants spécifiques plus modernes en spray chez les spécialistes.
Comme pour les petites pièces vues précédemment, chaque couche de latex paraitra sèche assez rapidement, mais l’humidité résiduelle sera plus longue à disparaitre. Cela n’aurait pas d’inconvénient majeur pour une prise d’empreinte, mais pourrait en avoir pour un maquillage précis. Laissez donc reposer aussi longtemps que possible avant de démouler, au moins une heure.
On peut éventuellement démouler plus rapidement avec du plastique.
Calotte en latex sur la tête rouge et calotte en plastique sur la tête en porcelaine
(Pour la photo d'une calotte posée et maquillée, cliquez ici)
Le processus sera sensiblement équivalent avec un pinceau qu’avec une éponge, mais on utilisera généralement des pinceaux à vernir ou à laquer de 4 à 6 cm de large en soies pour étaler du plastique sur la tête, alors qu’on utilisera un large pinceau souple abondamment savonné et essoré pour appliquer le latex. On gagnera à profiter du temps de séchage du latex pour nettoyer le pinceau abondamment à l’eau savonneuse entre deux couches ou à laisser le pinceau dans le latex pendant le séchage au séchoir. Attention aux grumeaux agglomérés sur le pinceau : ils agrippent vite des plaques de latex déjà séché. Une fois les grumeaux secs le pinceau est perdu. Rien à craindre avec les plastiques liquides : il suffit de nettoyer le pinceau dans le solvant approprié (acétone ou alcool isopropylique) pour retrouver votre pinceau propre comme avant. Un bon savonnage habituel sera toutefois bienvenu après la pièce finie.
L’usage de l’aérographe pour fabriquer des calottes est réservé au plastique car on ne peut pas nettoyer facilement du latex séché et l’appareil risque d’être endommagé, voire perdu. Notons que pour cet usage on peut préférer des petits pistolets à peintures vendus en grandes surfaces de bricolage, mais ils sont moins précis.
Il faut diluer le plastique pour les deux premières couches, 1 part plastique pour 4 à 6 parts solvant.
Vous avez vu le temps qu’il faut pour faire une seule pièce à la fois de différentes façons. Ce n’est pas extrêmement long, mais ça prend quand même du temps, environ deux heures. Fabriquer en série fait gagner du temps. Il suffit d’utiliser plusieurs moules alternativement : le premier sèche pendant qu’on fait le second et ainsi de suite. On en fait ainsi environ 8 ensemble le temps d’en faire 3 séparément. Evidemment à 2 techniciens, cela va encore plus vite qu’à un seul.
Conserver sur une tête est préférable à l’ensachage pour éviter les faux plis, surtout si le produit n’a pas eu le temps de sécher complètement en masse.
Si, malgré les précautions, des plis inopportuns devaient persister dans le latex à des endroits gênants, la pièce serait inutilisable car le faux-pli resterait visible.
Dans le plastique, il suffit de souffler dans la calotte avec un séchoir tiède pour que ces plis disparaissent au moment de la tension de la pose. Mais cela fait perdre un temps précieux quand on s’en aperçoit au dernier moment.
Mieux vaut donc avoir sa calotte, ou plusieurs, sur un moule quand on peut.
Il existait autrefois au théâtre des perruques spéciales appelées crânes-couronnes qui pouvaient servir des années. La partie représentant la chair était en tissu moulé sur une tête en bois et imprégné d’une colle spéciale (le certusa) pour le rigidifier et la partie couronne de cheveux était implantée directement dans ce tissu ou implantée sur un tulle raccordé tout autour. Je ne pense pas qu’il existe encore de telles perruques chez les perruquiers, car maintenant, on utilise depuis longtemps la calotte avec une perruque-couronne qui donne de bien meilleurs résultats, mais cela revient beaucoup plus cher et n’est pas assez pratique pour qu’un acteur se fasse ça tout seul s’il n’y a pas de maquilleur. Curieusement, bien que le crâne-couronne ait disparu depuis près d'un demi siècle, c’est encore ce cliché qu’ont les jeunes réalisateurs dans la tête quand ils évoquent une calvitie, pensant que ça s’enfile rapidement comme un chapeau ou un gant ; on se demande bien pourquoi.
Une tentative a été faite de calvitie réutilisable avec du latex mais fut vite abandonnée en raison des faux plis sur la partie visible dus au rétrécissement du latex. Mais l’idée fut reprise avec succès d’abord avec les produits plastiques à faux-crânes, puis plus récemment avec du silicone. Je vais vous en donner une idée tout en précisant que c’est un énorme travail inabordable pour une petite compagnie. De pratique courante en plastique (avec le Glatzan de Kryolan ou produit similaire) en Allemagne, Autriche et Hongrie dans les années 70-80, je ne sais pas si cela se pratique encore en 2018, mais j’en livre le principe pour ceux que cela peut intéresser et qui voudraient s’y essayer.
Il s’agit de faire un 3/4 de calotte en plastique assez solide ou en silicone, en incluant une bande de tulle bien tendue sur le front, les tempes et les côtés de la nuque, puis de mettre des cheveux en couronne, soit en les implantant, soit en collant une vieille couronne sur le dos et les côtés devant les oreilles. On utilisera du tulle pour implanter le dessus et le devant. On a donc un fond de « perruque » qui s’ajustera sur la tête et que l’on pourra fixer en collant les tulles, comme on le fait avec n’importe quelle autre perruque de spectacle. Mais la partie frontale reste à faire.
Le tulle de cette perruque sera collé fermement à la colle à postiches sur la limite de la chevelure et le haut du front, puis nettoyé après chaque utilisation.
Pour cacher le devant en tulle assez solide pour servir souvent (surtout au théâtre), il faudra poser par-dessus un fin front frais à chaque fois.
Ce devant de front, en plastique à faux-crâne, sera fait sur mesure pour chaque artiste. La partie frontale n’aura pas d’épaisseur pour pouvoir se fondre à la colle et au solvant dans la peau sans raccord visible, comme au cinéma. La partie arrière viendra au bord de la chevelure et sera collée au ras des premiers cheveux en évitant de faire une ligne régulière facilement repérable.
Il existe aussi désormais pour le théâtre des perruques complètes en silicone simulant parfaitement une calvitie, réutilisables directement, et en vente sur Internet.
Calvitie en silicone
Bien que la perruque soit ici trop petite, on comprend très bien le principe. Il suffit de commander la bonne taille.
Leur prix encore assez élevé n’est pas un obstacle pour les grands théâtres, mais les rend inabordables aux petits budgets, hélas.
Peut-être qu’avec le système de front séparé, ces perruques pourraient être utilisées au cinéma pour un acteur, mais autant utiliser le système de la calotte recouverte d’une couronne. Néanmoins, pour des doublures ou des cascadeurs, cela devrait être utile.
Ces perruques sont fournies avec du très beau cheveu, en longueur et coloris au choix, et il ne reste qu’à les tailler et coiffer, avant de les poser et maquiller.
Précisons que la perruque présentée ci-contre pour la démonstration n'était pas à la taille appropriée, mais il suffit de commander la perruque à la bonne taille pour qu'elle s'ajuste parfaitement.
Ce système, comme toutes les autres calottes, pourra être maquillé au RMGP, aux fards à l’alcool, ou au fard crème selon le plastique utilisé. Une fois le fond de teint posé, on fera disparaître le raccord entre le front et le fond en estampant par dessus l’ensemble du faux crâne visible des taches et des rougeurs naturelles, comme sur toute prothèse.
La fabrication délicate mais assez facile d'un faux crâne simplifie considérablement le travail des maquilleurs qui doivent composer un vieillissement, aussi bien pour homme que pour femme.
L'usage d'une calotte pour une empreinte ou sous d'autres prothèses couvrant les bordures sera aisé car il ne sera pas indispensable de faire disparaitre complètement les bordures, même si c'est préférable.
En revanche, si l'on utilise cette même calotte pour simuler un front dégarni, une calvitie plus ou moins importante, ou une chevelure clairsemée et transparente crédible pour un vieillissement, et que les bordures ne soient pas recouvertes par d'autres prothèses ou postiches, il conviendra impérativement de bien les faire disparaître lors de la pose, donc de les avoir fabriquées très fines en amont.
Mais, même si c'est un travail long et minutieux, ce n'est pas si difficile que ça en a l'air, et le résultat obtenu vaut largement le temps investi.
Maintenant que nous avons acquis quelques bases utiles et que nous avons déjà de quoi faire quelques personnages intéressants, voyons ce qui permettra de faire des choses d'une certaine envergure professionnelle, les prothèses pour les vieillissements, les aliens, les monstres, etc…