Chapitre 5
Après avoir vu, dans la première partie, le statut du maquilleur, la voie royale d'accès au métier, ce qu’était la carte professionnelle de chef maquilleur, comment choisir une école, et un programme minimum à bien connaître pour exercer correctement ce métier, voici maintenant comment faire pour trouver votre premier travail rémunéré en tant que maquilleur professionnel.
Le book, que vous commencerez généralement à réaliser à l’école, sera votre carte de visite auprès des professionnels, aussi il vaut mieux qu’il vous serve bien pour leur donner envie de vous engager vous plutôt qu’un(e) autre.
Vous y mettrez vos travaux les plus représentatifs dans le domaine que vous aurez choisi pour y faire votre carrière :
Vous le présenterez alors à des personnes aux profils différents, spécialistes de ces domaines, mais les photos devront présenter votre travail de maquillage, clairement, lisiblement, sans retouche, ni flou artistique, ni éclairage trop intensif masquant les qualités et/ou défauts de votre travail. Cela ne doit donc pas être des photos d’art, de photographe, mais juste des aide-mémoires sans trucage de vos compétences, des photos de maquilleur.
Veillez-y soigneusement, c’est vital pour vous.
Inutile aussi d'en mettre trop : une ou deux photos bien lisibles de chaque travail représentatif suffiront. Evitez les photos de groupe, ou backstage, souvent superflues qui ne montrent pas votre travail, et par dessus tout, évitez absolument vos photos de vacances en famille, ou de vos animaux, quand elles sont sans rapport avec vos maquillages.
Quoi qu’il en soit, après votre sortie d’école, on ne sera pas choqué si le travail présenté sur votre book est encore scolaire. C’est bien normal : vous n’avez pas encore acquis le niveau d’expérience de votre interlocuteur. Mais vous devrez remplacer les photos dont la technique est dépassée dès que possible.
Ne trichez pas, c’est inutile !
Ne vous attribuez jamais le travail d’un collègue ! Certains ont essayé pour se faire engager plus vite de présenter de beaux travaux qu’ils n’avaient pas faits eux-mêmes : cela s’est très vite su et a tourné aussi vite à leur confusion. Ils ont dû quitter le métier précipitamment pour avoir voulu y entrer prématurément en trichant.
De nos jours, la rapidité est un critère important pour se faire connaître, aussi bon nombre de jeunes maquilleurs sortant de l'école s'empressent-ils de mettre un site en ligne et d'envoyer cette référence pour chercher du travail. Les employeurs potentiels, en effet, peuvent voir leur travail, mais c'est une arme à double tranchant.
Evitez les pièges
Pour que ce site vous soit utile, ce sera votre vitrine de présentation, il convient qu'il soit accessible directement ; aussi, ce n’est plus le temps d’avoir des fausses pudeurs, bien au contraire : ne le mettez pas sur un hébergeur qui demandera une inscription ou un code préalable avant d'ouvrir votre page. Les employeurs n'ont pas forcément envie de perdre leur temps à ces attrape-nigauds publicitaires.
Faites les bons choix
Choisissez un hébergeur d’accès direct qui ne demandera pas de payer pour y entrer et ne mettez que des photos clairement lisibles exposant votre travail le plus clairement possible.
La communication se faisant maintenant beaucoup par mail, vous serez donc amené à répondre à des annonces et à proposer votre candidature par mail. La plupart des messageries sont compatibles entre elles pour ce qui est du texte même de votre mail, l’équivalent d’une lettre de présentation (dans d’autres industries on dit lettre de motivation, comme s’il fallait vraiment motiver le fait de chercher du travail pour vivre…), mais les choses sont différentes — pour des problèmes de poids des documents et de compatibilité entre les logiciels — si vous devez joindre un CV ou des photos, et c’est là que vous devrez faire attention si vous voulez que votre courrier n’aille pas directement à la poubelle.
Malgré l'obstination de Pôle-Emploi à nier l'évidence, il faut bien admettre que le métier du maquillage de spectacle ne se gère pas comme un métier industriel en poste permanent ou de la fonction publique.
Les critères d’embauche ne sont pas les mêmes, les modalités d’accès non plus : les CV type convenant pour l’industrie classique et proposés comme références par Pôle-Emploi ne conviennent pas pour le maquillage dans le spectacle ou la mode.
Vous adresserez votre CV de maquilleur débutant à des maquilleurs expérimentés dans l’espoir de travailler avec eux tôt ou tard. Donc soyez clair, précis, et parlez de maquillage. Peu importe que vous aimiez les collections de timbres, ou que vous ayez visité d’autres planètes, faites savoir les choses concernant le maquillage et pouvant servir dans une équipe :
• Vos coordonnées précises : Nom, prénom, adresse, numéros de téléphone fixe et portable, fax éventuel, eMail et adresse de votre site si vous en avez un. Indiquer votre adresse vous évitera probablement d’être appelé à Paris pour une seule journée si vous habitez Marseille, mais permettra à un chef maquilleur parisien de savoir qu’il peut y compter sur vous lors d’un déplacement en extérieur.
• Une photo d’identité est un plus utile, ne serait-ce que pour vous reconnaître à l’arrivée d’un train ou d’un avion si on ne vous connait pas déjà. Un gros plan bien lisible suffit largement pour cet usage.
• Indiquez votre formation :
➢ école initiale, laquelle, ou sur le tas ;
➢ noms et qualifications de vos enseignants si ce ne sont pas des gens très connus ;
➢ les techniques que vous maîtrisez en pratique ;
➢ celles dont vous connaissez la théorie, mais où vous manquez de pratique ;
➢ celles que vous souhaiteriez apprendre si l’occasion se présentait ;
➢ Indiquez aussi si vous pensez avoir des lacunes dans tel ou tel domaine (postiches, travail de prothèses, etc…).
• Votre expérience en cinéma, TV, théâtre et opéra, pub, mode, photo, presse.
➢ Indiquez les titres des films, le nom du réalisateur et du chef-maquilleur, et ce que vous avez réellement fait. Inutile de citer le nom des stars si ce n’est pas vous qui les avez maquillées, c’est limite publicité mensongère pour gonfler artificiellement votre crédit, mais personne ne peut être dupe et vous passeriez vite pour un vantard ;
➢ Indiquez si vous avez des connaissances particulières en moulage et sculpture et si vous maîtrisez bien ces techniques. Inutile de vous vanter, la vérité saute vite aux yeux des vrais professionnels.
➢ Indiquez les marques de produits avec lesquels vous avez l’habitude de travailler et les outils principaux dont vous disposez (pas la peine de marquer éponges, crayons, pinceaux et rouges à lèvres, ça fait partie du fond de boite, mais dites si vous travaillez au gras ou au fluide ou à l’aérographe). Si vous avez du matériel pour postiches ou prothèses, indiquez quoi, etc…).
• Vos particularités par ailleurs en liaison avec le maquillage et le métier :
➢ Permis de conduire,
➢ Langues pratiquées,
➢ Logiciels maîtrisés, etc…
➢ La disponibilité ou non d’un passeport et la vôtre pour les déplacements en province ou à l’étranger.
Ça y est, vous avez non seulement choisi votre école, mais suivi ses cours et passé l’examen final. Comment allez-vous trouver un job, à présent ?
Vous voilà devenu un professionnel du maquillage, vous espérez donc, légitimement, gagner de l’argent en travaillant pour vivre. Je vous rappelle qu’un métier n’est pas qu’un simple passe-temps, mais ce qui doit vous permettre, en principe, de payer vos frais existentiels : loyer, assurances, nourriture, vacances, etc. Il est donc normal de se faire payer pour travailler, quel que soit votre degré d’expérience professionnelle, et cela dès votre premier engagement, même si certains vous conseillent le contraire pour vous faire de la pub. Ceux-là ne viendront pas payer votre loyer, vos frais généraux, votre nourriture, vos vêtements, votre recherche professionnelle, ni rien d'autre.
Inutile donc d’accepter — encore moins de proposer — de travailler bénévolement, comme nous le verrons dans un instant.
Si le maquillage de cinéma-spectacle est bel et bien un métier de réseau, cela ne suffit pourtant pas et il faut autre chose que de bonnes relations pour y entrer et surtout pour y durer. Quoique vous ayez pu entendre dire à l’école, en famille ou officieusement par certains mauvais conseillers (« les conseilleurs ne sont pas les payeurs », c’est bien connu), accepter les offres de bénévolat publiées dans la presse ou sur Internet ne vous mettra pas le pied à l’étrier dans les bonnes filières : dans celles-là, on sait que le travail se paie et le vôtre le serait normalement.
Si vous voulez vous faire payer, vous devez le mériter par un travail réel : non pas gratuitement et aveuglément pour une production indélicate et de toute façon indifférente à votre sort, mais pour vous-même.
Pour commencer efficacement dans le métier, ne perdez pas votre temps à contacter inutilement les productions ou les réalisateurs, mais contactez des chefs-maquilleurs, et seulement eux : c’est un réel chef maquilleur, et seulement lui, qui, choisissant l'équipe dont il sera responsable vis à vis de la production, vous fera engager sur un film s’il a besoin d’un stagiaire et veillera alors à ce que vous soyez payé. De même quand vous serez assistant ; souvenez-vous à ce propos qu'un bon assistant aura plus souvent l'occasion de travailler qu'un chef moyen. Plus tard, vous aurez connu des directeurs de productions, des réalisateurs, des acteurs qui feront appel à vous pour être à votre tour chef-maquilleur sur un de leurs films.
Même si c’est une recommandation classique de Pôle-Emploi, n’envoyez pas une lettre-type préfabriquée pour l’industrie classique — vantant votre disponibilité, votre passion enthousiaste pour ce métier et votre envie de travailler, même dur (voire gratuitement, comme on le voit trop souvent) — vous n’indiqueriez que votre non-implication dans votre propre démarche. Faites plutôt une lettre personnalisée, nominative, indiquant à chaque maquilleur que vous contacterez que vous savez qui il est et ce qu’il a fait, ce qui vous évitera de tomber sur n’importe qui. Décrivez-lui votre parcours, ce que vous aimez faire et ce que vous savez faire, même si c’est différent, pour qu’il sache à quoi il peut vous employer en fonction de ses besoins. Ne vous vantez pas, mais ne vous diminuez pas : soyez précis et juste envers vous-même, indiquez clairement ce que vous pouvez apporter (et non ce que vous attendez qu’on vous apporte) et vous aurez une chance d’attirer l’attention positivement.
Comme je l’ai suggéré dans la section précédente sur le book, n’envoyez pas non plus le même CV à tout le monde : comme les deux mondes (cinéma-spectacle / mode) ne communiquent pas souvent ensemble (je n'invente rien, c'est un fait constaté, quelles qu'en soient les raisons, même si c'est peut-être regrettable…), faites un CV différent pour les maquilleurs de mode où vous développerez la partie de votre talent qui les intéressera le plus, et un autre pour les maquilleurs de cinéma-spectacle en développant ce qui leur sera utile. Pensez que vous ne postulez pas pour qu’on veuille bien s’occuper de vous, mais pour fournir votre aide la plus utile possible à un employeur, comme partout ailleurs.
De même, si vous postulez pour un emploi de vendeuse en magasin, mettez en avant sur votre CV spécifique votre expérience en ce domaine si vous en avez.
Pour revenir au domaine du cinéma qui nous intéresse ici, méfiez-vous des pièges tendus aux débutants ignorants des règles et désireux de travailler :
Faites vous payer pour maquiller, et faites rembourser intégralement tous vos frais, (déplacement, fournitures, hébergement, etc…).
Ne vous laissez pas abuser par ces affligeantes offres d'emplois bénévoles qui polluent le net et une certaine presse, vous vous feriez du tort à vous-même, ainsi qu'aux autres professionnels, en sciant la branche sur laquelle vous voulez vous asseoir. Et n’ayez pas peur qu’un autre fasse le job à votre place : s’il n’y a pas de budget pour vous, il n’y en aura pour personne d’autre de toute façon et vous n’aurez rien perdu. Il semble, hélas ! nécessaire aujourd'hui de rappeler que le travail non rémunéré est absolument illégal, tout comme le travail non déclaré, au black, dangereux en cas d'accident ou de contrôles administratifs, et qu'il faut que les productions fassent l'effort de payer normalement avec tout ce que la loi implique. Ni les maquilleurs, ni les employeurs ne peuvent se soustraire à la Loi. Personne n'y peut rien, c'est ainsi pour tout le monde et chacun doit assumer la législation tant qu'elle existe. N'hésitez donc pas à demander à vous faire payer normalement. Vous vous ferez peut être rejeter la première fois, mais tenez bon : quand les employeurs indélicats auront vu d'autres que vous demander la même chose, il faudra bien qu'ils changent de moeurs.
Bien que les rémunérations des chefs maquilleurs soient souvent très mystérieuses, vous pouvez parler avec les collègues pour avoir une idée du niveau des rémunérations normalement pratiquées, et sachez qu'il existe des barèmes minima disponibles sur Internet. Je vous recommande vivement d'en prendre connaissance pour savoir quoi vous faire payer et combien. Mais ces tarifs minimums sont censés être connus par les producteurs. Leur application, obligatoire, dépend en fait de votre implication à défendre votre métier, votre gagne-pain.
Comme vous, maintenant, la plupart des chefs maquilleurs ont leur site internet. Après avoir trouvé leur noms sur les génériques, cherchez-les sur votre navigateur et visitez leur site, photos et textes éventuels. Vous y verrez ce qu’ils ont fait avec leurs propres commentaires et souvent leurs propres images, ce qui pourra vous inspirer pour présenter votre propre site.
Si vous n’avez pas accès à Internet facilement chez vous, vous trouverez une liste des maquilleurs, chefs et assistants, sur les annuaires professionnels spécialisés, sur internet ou dans les grandes bibliothèques. Vérifiez alors si possible leur CV en ligne (IMDb, UniFrance, etc…), et appelez les plus sérieux, les plus expérimentés. Appelez-les gentiment, prenez rendez-vous si possible, rencontrez-les dès qu’ils peuvent vous recevoir, arrivez en sachant au moins un peu qui ils sont et ce qu'ils ont fait ; présentez-leur vos travaux, voyez les leurs, faites des tests si on vous le demande, rappelez-les quand et si on vous le demande, gardez fréquemment le contact sans toutefois les harceler (une fois par mois est une bonne idée en moyenne). Comme il est probable que ça ne marche pas du premier coup, ne laissez pas tomber, soyez persévérant, ouvert et disponible, et restez en contact.
Les raisons de leur possible refus sont multiples :
Il y a beaucoup de raisons pour vous refuser. Mais je n’ai jamais rencontré un chef qui ne souhaitait pas avoir d’assistant. En revanche, j’en ai rencontré beaucoup qui préféraient être seuls que mal accompagnés. Ce n’est donc pas forcément contre vous qu’ils exprimeront un refus.
Ne désespérez pas, un jour ou l’autre, ça finira par marcher, et vous commencerez à travailler et à gagner votre vie de ce métier.
Débuter est ce qu’il y a de plus facile, malgré les évidentes difficultés déjà évoquées.
Après cela, il vous appartiendra de faire le nécessaire pour durer, vous faire réengager. Mais ce sera un autre problème, votre problème…
Pour savoir comment vous conduire quand vous aurez trouvé un stage pour qu'il vous soit utile, lisez le chapitre 12 : Stagiaire maquilleur au cinéma : les « Règles du Jeu ».
On ne devrait pas avoir besoin de dire ces choses, mais ce sont de simples règles de courtoisie professionnelle qu'il semble nécessaire de rappeler, tant ces fautes de savoir vivre sont fréquentes sur les plateaux. Suivez-les attentivement si vous voulez vous attirer bonne réputation et vous faire réengager.
J'espère que ces quelques conseils élémentaires de bon sens vous seront utiles.
On trouvera d'autres précisions sur les règles du jeu du stagiaire maquilleur au chapitre 12 : Stagiaire maquilleur : Les "Règles du Jeu". Je vous en recommande vivement la lecture attentive si vous voulez profiter pleinement d'une chance qui se présenterait à vous.
Dans le chapitre suivant, je vous parlerai d'un aspect curieusement méconnu du travail du maquillage au sein d'une équipe de production : La préparation du maquillage avant tournage.