Entre le moment du choix du métier de maquilleur et l’escalade sur tapis rouge de l’escalier conduisant à la remise d’un Oscar, ou d’un éventuel César, il y a un grand écart que seuls deux chemins peuvent combler : l’accès direct par le miroir aux alouettes, rêve décevant parfaitement illusoire et irréaliste, ou un long effort d’implication, de travail persévérant, d’études incessantes, de rigueur, d’abnégation discrète, pour faire germer et développer un talent qui fera de vous un maquilleur recherché.
Il ne s’agit pas d’apprendre à refaire le même maquillage tout au long d’une vie (ce serait vite bien triste et monotone), mais d’apprendre à créer un personnage avec les moyens les plus appropriés. Cela ne se fera pas du jour au lendemain, mais par une progression minutieuse et patiente pour maîtriser toutes les techniques, des plus anciennes toujours utiles aux plus actuelles, avant de pouvoir faire mieux encore et avancer par la découverte de nouveaux procédés.
Pour cela, que vous passiez ou non par une école, il vous faudra pour débuter trouver un stage avec un chef maquilleur, un vrai Maître dans son métier, qui vous transmettra dans un stage d’apprentissage les moyens de parvenir par vous-même à la Connaissance, votre connaissance du métier, cette Connaissance qui n’est pas qu’un simple savoir. Il vous faudra ensuite trouver d’autres stages pour continuer votre formation, et rares aujourd’hui sont aussi ceux qui connaissent la totalité des disciplines d’ensemble. Il vous faudra apprendre petit à petit, bien au delà de quelques façons stéréotypées de faire, les produits, les techniques, la conception, l’organisation, la gestion des budgets et d’une équipe de maquilleurs, et vous assurer que l’exercice de ce métier vous permet de vivre bien, et pas seulement de survivre médiocrement. Chercher un bon stage, c’est déjà chercher un chef maquilleur compétent. J’indique au chapitre 5 qui contacter pour trouver ces stages et ces maîtres. Renseignez-vous donc sur qui est qui et qui fait quoi pour ne contacter que des gens réellement expérimentés et utiles pour vous. C’est déjà une grosse difficulté à surmonter, mais, même sans piston, vous y arriverez et les choses sérieuses commenceront enfin.
Débuter correctement dans le maquillage de cinéma n’est pas chose aisée — loin s’en faut ! — pour de nombreuses raisons qui ne tiennent pas toutes qu’à l’énorme difficulté de trouver du travail. S’il y a, en effet, beaucoup de postulants et peu d’offres réellement sérieuses, il y a aussi la difficulté de se conformer à un Code de bonne conduite, un certain nombre de Règles du jeu imprécises parce que non écrites, et donc bien souvent complètement inconnues de l’élève nouvellement promu, et — à plus forte raison — de celui, autodidacte, qui veut entrer dans le métier sans être passé par une école. Ce sont souvent de simples règles de bon sens, de bonne éducation, mais l’éducation d’aujourd’hui n’étant plus ce qu’elle était, ces règles de savoir vivre si logiques, de discipline bien comprise, ont presque disparu.
J’ai souvent regretté au cours de ma carrière, au fil des rencontres, de ne pas disposer d’un texte de référence de ce code pour pouvoir le présenter à ceux qui me le demandaient. Je faisais de mon mieux pour les dire, mais j’oubliais souvent quelque chose. Après avoir publié une série d’articles sur le maquillage au cinéma à l’intention des débutants réalisateurs et maquilleurs, constatant que cela manquait aux chapitres « Comment devenir maquilleur » et pour répondre précisément à la demande de nombreux jeunes postulants, j’ai essayé de les transcrire sur le papier. Ce ne sont pas ici mes seuls critères personnels, mais ceux qui m’ont été appliqués, et j’ai pu constater tant auprès de mes collègues français qu’étrangers qu’ils étaient assez répandus, même s’il peut y avoir quelques variantes ici ou là selon les législations nationales.
Il va sans dire que ce qui suit ne surprendra pas les gens bien élevés, qui sont encore majoritaires fort heureusement, mais j’ai malheureusement aussi souvent remarqué qu’il était nécessaire de faire connaître certaines règles élémentaires de savoir-vivre en société et de respect des traditions professionnelles à certains jeunes à peine sortis des écoles croyant tout savoir, et qui se prenaient déjà pour des maquilleurs qualifiés en pensant que les plus anciens qu’eux avaient fait leur temps et devaient leur céder la place.
Ils ne seront pas les seuls destinataires de ce qui suit, mais ça aura au moins le mérite d’être maintenant clair pour tout le monde.
Quand on aborde la vie professionnelle, quels que soient le métier et l’âge réel, il faut abandonner tout comportement et mentalité infantile : vous n’êtes pas le centre du monde et vous ne devez pas attendre passivement toute votre pitance des autres. S’il faut bien recevoir un peu des autres, il faut le mériter. Rien ne vous est dû a priori, simplement parce que c’est vous (et d’abord, qui êtes-vous ? qu’avez-vous fait ? quelle légitime autorité est la vôtre ? etc…), et les gens en place, non seulement n’attendent pas désespérément après vous, mais ils ne vous accueilleront pas tous à bras ouverts, loin de là, pour plusieurs raisons :
Il vous faudra donc être à même de discerner rapidement à qui vous aurez affaire, vérifier leur authentique compétence sur internet, et vous comporter en adulte combattant judicieusement pour devenir capable de gagner votre vie dans ce métier en gagnant leur confiance et leur soutien.
Un stage est une période d’apprentissage d’un métier, ici celui de maquilleur. Cela signifie que le stagiaire — on disait autrefois apprenti — est là pour : regarder, écouter, prendre des notes, faire tous les travaux pratiques qui lui seront assignés et rendre de menus services pour apprendre son métier auprès de gens chevronnés. Il n'y a rien de désobligeant à cela : c'est simplement et en toute logique une base indispensable.
Il y a plusieurs façons de faire un stage de formation au maquillage de cinéma :
Un stage sous tutorat nécessite un réel investissement de la part du chef maquilleur autant que du stagiaire. Ce n’est pas un moment où vous prenez tout ce qu’on vous donne, unilatéralement, mais un moment d’échange informations/aides diverses bien compris. Chacun doit profondément respecter l’autre pour ce qu’il est sinon la relation ne tient pas : le transfert de connaissances et technologies se fait mal ou ne se fait pas et tout le monde est mécontent. Quand tout se passe bien, malgré les hauts et bas inévitables, c’est une relation humaine exceptionnelle développant une confiance réciproque et pouvant déboucher sur une longue collaboration ultérieure et de réelles amitiés très fortes et sincères.
Si vous avez la chance — on peut même, dans le contexte actuel, considérer ça comme un privilège — d’être choisi pour faire un stage avec un tuteur longuement expérimenté dans le cinéma, je ne saurais trop mettre l’accent sur le niveau de qualité des connaissances que vous acquerrez et la valeur professionnelle qui sera la vôtre après ce stage. Je me réjouis encore aujourd’hui d’avoir beaucoup appris ainsi, même bien au-delà de mes périodes réelles de stage. Non seulement vous pourrez presque tout voir, mais vous aurez très probablement l’occasion de faire vos travaux pratiques en situation de tournage réel.
Il est très important pour vous de vous impliquer le plus tôt possible dans un timing réel et la règle du jeu de la vie de plateau : cela indiquera si on peut vous faire assez confiance et vous rappeler en d’autres occasions.
Il faut bien comprendre la différence entre un assistanat et un stage d’apprentissage pour savoir à quoi s’attendre. Les beaux jours d’autrefois sont révolus et aujourd’hui un stage d’apprentissage n’est presque plus jamais salarié par les productions, malgré les obligations légales. Il fait pourtant partie intégrante du programme d’acquisition — par l’observation et un peu de travaux pratiques — des connaissances minima indispensables et vous donne une vue d’ensemble concrète du rôle effectif d’un chef maquilleur sur un tournage, sur le plateau et en dehors. Vous serez aux premières loges pour appréhender comment il gère les différentes charges de sa fonction :
Vous découvrirez aussi ce qui ne peut pas s’apprendre dans une salle de cours : la vie de plateau et les relations avec les autres membres d’une équipe de tournage. Pour cela, il faut non seulement être réellement présent physiquement et mentalement sur le plateau, mais vous y incorporer totalement pour vous en imprégner au plus vite et au mieux possible.
Tout cela, même si ce n’est pas toujours rétribué normalement, est pour vous, stagiaire, un gain professionnel précieux, inestimable.
Cela dit, le plus sûr moyen de vous faire perdre l’avantage de cette position privilégiée et protégée serait de ne pas vous montrer reconnaissant envers le chef-maquilleur qui accepterait d’être votre mentor, et on a vu que tous ne le feraient pas. Votre comportement et vos intentions implicites ou explicites montreront ou non votre adhésion à l’esprit d’équipe ou révéleraient des arrière-pensées différentes. Ces dernières seraient le plus rapide moyen de vous couper d’une expérience professionnelle et humaine si enrichissante, mais pourtant devenue trop rare, de gâcher un début de carrière prometteur, de vous empêcher de faire d’autres assistanats et de vous constituer un réseau de relations professionnelles sérieuses utiles pour votre avenir. Il ne s’agira évidemment pas de lui faire des cadeaux somptuaires, mais de monter dans son train de pensées pour suivre sa démarche au plus près, et pas d’essayer de le faire monter dans le vôtre comme ça se voit trop souvent. C’est vous qui êtes en stage, pas lui. Quoi que ce soit que vous ayez appris ailleurs, vous devrez appliquer d’abord les méthodes qu’il vous enseignera, faire ce qu'il vous demandera comme il vous le demandera, travailler à sa façon, vous imprégner de son raisonnement, de sa façon de faire, de sa main. Ensuite, quand vous aurez travaillé à la manière de plusieurs chefs, vous pourrez faire votre propre main en faisant la synthèse des autres. Mais essayez d’abord comme il vous l’indiquera.
Faire un stage, en principe, n’est pas maquiller réellement. Je me souviens de m’être fait renvoyer la première fois que j’ai été convoqué (la veille pour le lendemain) par un chef maquilleur pour le premier jour d’un film. Il n’avait pas eu le temps d’avertir le directeur de production de ma présence, ni personne d’autre dans son équipe, et m’avait envoyé dans la loge de figuration où une dizaine de maquilleurs maquillaient une centaine de figurants pour un décor élégant. Comme ils allaient être en retard, j’ai aidé en faisant les bras et décolletés au Pan-Cake. Le directeur de production, surpris de me voir au travail, est allé voir le chef maquilleur pour lui dire qu’il n’était pas d’accord pour payer un maquilleur de plus que prévu et qu’il le priait de me renvoyer. Situation très embarrassante. Le chef maquilleur m’en a voulu longtemps après de lui avoir désobéi. Même si j’avais cru bien faire : les ordres sont les ordres, et il y a des raisons que vous pouvez ignorer pour qu’on vous les donne. Ça m’a servi de leçon et j’ai depuis toujours écouté attentivement et fait ce qu’on me disait. Je vous recommande vivement d’en faire autant, et tant pis pour votre ego : il n’a pas encore l’expérience des réalités professionnelles.
Mais, si votre chef vous en estime capable et vous demande de l’aider à faire quelque chose, faites-le aussitôt, sans perdre de temps à vouloir discuter du pourquoi ci ou ça ?, et considérez ça comme un bonus à votre apprentissage. Vous aurez sans doute compris le pourquoi quand vous aurez accompli ces travaux pratiques ; et, sinon, vous pourrez toujours poser des questions après, quand ça ne déconcentrera plus personne de vous répondre (artiste ou chef maquilleur). Il n’y a pas de mauvaises questions, il n’y a que des mauvais moments pour les poser.
Autrefois, même en France, la durée d'un film dans des conditions normales de budget et de durée, était de 8 à 16 semaines de tournage. On avait donc l’occasion d’y voir sinon tout, du moins beaucoup de choses courantes du maquillage : beauté, naturel, corrections diverses, souvent un peu de postiche (voire de poil à poil), quelques blessures, quelques petits effets de sueur. Dans certaines productions, on pouvait encore trouver des vieillissements aux fards, des perruques, etc… On faisait alors assez vite le tour des connaissances du métier de l’époque.
Aujourd’hui, les films se font couramment en 6 semaines, voire moins, les maquillages sont réduits à l’extrême, et les maquillages spéciaux (blessures importantes, cadavres, vieillissements,…), alors improprement appelés effets spéciaux, sont souvent confiés à des maquilleurs spécialisés dès que les techniques modernes sont employées.
Le contenu pédagogique du stage dépendra donc du film sur lequel vous serez invité : maquillage courant ou (effets) spéciaux selon les personnes que vous aurez contactées.
Quelques rares maquilleurs ont une palette plus complète et pourront s’occuper aussi bien du tout venant que des maquillages les plus élaborés : à vous de les rechercher, si vous voulez acquérir le maximum de connaissances et de chances de poursuivre votre carrière.
Je l’ai déjà dit précédemment : être là pour observer, voir, écouter tout ce que vous pourrez apprendre, rendre de menus services : préparer le matériel, au besoin aller faire une course pour le service maquillage, aider en tenant les outils pour un maquilleur en train de travailler (ça a l’air d’une corvée, mais c’est en fait une formidable école). On pourra vous demander de maquiller aussi quelques figurants ou silhouettes quand vous serez prêt à le faire (et ça arrivera sans doute assez vite si vous sortez d’une bonne école ou si vous savez bien observer), assurer la permanence sur le plateau pendant que le chef maquille quelqu’un ou prépare quelque chose, etc… Votre chef vous définira tout cela en fonction des besoins du service.
Pour autant, ne confondez pas ces travaux pratiques, menus services divers ou maquiller quelques figurants, avec un vrai travail d’assistanat qualifié ou de renfort qualifié. Ne portez pas cela sur votre CV comme assistant ou renfort si vous n’avez pas été réellement engagé et payé comme tel pour cela. Cela vous discréditerait fort aux yeux des maquilleurs en exercice. En revanche, votre stage terminé, demandez à votre Mentor s’il accepte de vous signer un certificat de stage — différent du certificat d’emploi légal, si vous étiez salarié par la production. Cette pratique, jadis la règle, semble aujourd’hui tombée en désuétude. C’est dommage, car c’était la seule façon pour un maquilleur de savoir si un collègue avait été satisfait de vos services et comment cela s’était passé. La remise en vigueur d’un tel certificat de stage, à mon avis le seul qui ait une réelle valeur pratique et éthique, donnerait plus de densité aux stagiaires qui l’auraient mérité. Il vaut mieux mettre sur votre CV peu de bonnes références qu’une kyrielle de références bidon qui n’intéresseront pas les vrais professionnels du maquillage. Voyez comment rédiger votre CV au chapitre 5.
Assister, dans le contexte de ces règles du jeu, implique du stagiaire une connaissance minimum des outils et produits d’une part, et d’autre part de la pratique du maquillage pour être capable d'exécuter convenablement et sous constante supervision un travail donné. Cela peut être mentionné dans son CV avec l’accord du mentor. Ce premier niveau d'assistanat devrait être rétribué au minimum conventionnel. Assister, à ce niveau, peut être une magnifique occasion d’acquérir des connaissances inestimables, notamment sur un film où le travail du maquillage est important, aussi, même si cela vous paraît mal payé, ne refusez pas en tout début de carrière une offre faite par un chef maquilleur et qui vous ferait une belle référence.
On ne peut pas commencer sa carrière directement comme chef maquilleur sur un grand film dès la sortie de l’école, faute des réelles et indispensables connaissances du métier. L’assistanat est un tremplin inévitable et essentiel dans votre carrière pour élaborer votre savoir professionnel et votre fiabilité et vous conduire à devenir à votre tour un chef maquilleur qualifié capable de diriger judicieusement et efficacement une équipe. Vous devriez, théoriquement, faire 3 stages et 6 assistanats de long métrage au moins ; c’était comme ça avant pour pouvoir déposer une demande de Carte Nationale d’Identité Professionnelle de Chef Maquilleur au Centre National de la Cinématographie (CNC), et c’était bien fondé dans votre propre intérêt comme dans celui des productions qui allaient vous employer. Ce serait l’occasion de vous bâtir une bonne réputation pour l’avenir au contact de votre mentor et des autres chefs maquilleurs avec qui vous travaillerez. Plus vous vous investirez utilement dans la collaboration avec votre mentor, plus vite cela pourra vous conduire ultérieurement à devenir un 1er Assistant, payé normalement, quand vous serez plus aguerri. C’est sur cet investissement personnel — et la confiance qui en résultera, outre l’étendue de vos compétences — qu’un chef maquilleur vous préférera à d’autres assistants de même niveau technique, car il aura ainsi besoin de moins vous surveiller. Et votre nom commencera à circuler parmi les chefs maquilleurs comme quelqu’un de fiable et recommandable. De plus, on appelle plus facilement en renfort des gens dont on a pu apprécier la qualité professionnelle et la loyauté.
Etre un vrai stagiaire sous tutorat, ou mentorat, comme décrit ci-dessus, est aujourd’hui devenu un privilège, presque un luxe de situation. Pour ne pas risquer de perdre une place aussi importante pour la qualité de votre future carrière, il convient de vous conformer à un certain code de bonne conduite, à ces fameuses règles du jeu, jusqu’ici non écrites.
Plus tard, vous constaterez que le comportement du maquilleur conforme à ces règles du jeu est toujours apprécié quand vous serez passé assistant, et même, devenu chef-maquilleur, quand vous serez appelé en renfort par un collègue ou apprécierez vos propres stagiaires.
Essayons donc maintenant de vous les présenter.
Arrivez toujours au rendez-vous 10 à 15 minutes avant l’heure du début du travail que vous aura indiquée votre chef-maquilleur, même si cet horaire est différent de la feuille de service officielle. Cela vous permettra d’aider votre mentor à préparer la loge et le matériel, et de recevoir vos instructions précises avant le démarrage effectif du travail. C’est une excellente habitude à prendre dès le début de votre carrière.
Prévoyez amplement le temps de votre trajet en cas d’imprévu dans le transport. Ayez toujours sur vous un numéro pour joindre votre mentor en cas de retard accidentel.
Si vous devez venir avec votre propre véhicule, prévoyez de quoi payer les parkings, si vous n’avez pas d’autorisation de la production. Bien qu’il soit généralement possible de vous les faire rembourser, ce n’est pas toujours le cas. Assurez-vous en auprès de votre mentor quand il vous convoque.
Si vous savez que vous ne pourrez pas venir à une journée de tournage, avertissez-en votre chef maquilleur dès que possible pour qu’il puisse s’organiser en conséquence. Il serait désastreux pour vous de ne pas vous présenter un jour où il aurait plus particulièrement compté sur vous, surtout si en plus votre repas est prévu par la production. Et ce genre de réputation se répand plus vite que la foudre…
Ne vous faites pas remarquer par votre habillement : soyez d’une élégance classique et sobre, discrète, mais confortable et efficace. Ne mettez pas de vêtements voyants, trop chics ou douteux, évitez les vêtements blancs qui se voient dans les reflets. Pensez que votre apparence, surtout si vous êtes appelé à vous trouver dans l’environnement d’une célébrité, ne doit pas causer de distraction visuelle pouvant la déconcentrer et attirer l’attention sur vous inutilement. Ayez des poches pour mettre vos lunettes si besoin et de quoi noter.
Habillez-vous en fonction du lieu et de la saison :
Une chevelure courte ou bien attachée pour ne pas vous glisser dans la figure ou tomber sur les visages des comédiens : un élastique et des pinces vous éviteront aussi de devoir les remettre en place trop souvent.
Pour les demoiselles, le maquillage doit être minimum et discret et ne pas nécessiter de retouches fréquentes, encore moins ostentatoires. Sauf une simple montre au poignet, pas de bijoux : ni colliers longs qui risquent de s’accrocher, ni multiples bracelets bruyants, plastiques notamment, ni bagues qui pourraient se perdre ou s’abimer dans les travaux de laboratoire ou la colle à postiches. Les ongles seront propres et courts, arrondis pour ne pas accrocher ou blesser, et sans vernis, surtout voyant. Vous n’êtes pas là pour attirer l’attention sur vous, mais pour apprendre votre métier le plus efficacement possible, c’est à dire discrètement, derrière votre mentor.
Au contraire, forcez sur le déodorant, surtout quand il fait chaud.
Il est plus sage de ne pas fumer du tout, mais c’est en tout cas absolument prohibé dans les loges maquillage, les caravanes et les ateliers, à cause de l’odeur qui peut imprégner les vêtements, même des non fumeurs, et incommoder certaines personnes. En atelier ou laboratoire, c’est de surcroit dangereux, en raison de risques d’incendie ou d’explosion, beaucoup de produits étant hautement inflammables.
Maquiller un figurant en empestant le tabac ne vous rendra certainement pas populaire, encore moins en travaillant auprès d’un artiste connu non fumeur.
Si vous ne pouvez absolument pas vous empêcher de fumer une petite cigarette, faites-le dehors lors des pauses qui vous seront autorisées. Choisissez un tabac peu parfumé, pour ne pas empuantir vos vêtements et ramener ainsi la détestable odeur de tabac froid à l’intérieur. Utilisez un spray mentholé pour vous désinfecter l’haleine, mais ne mâchouillez pas de chewing-gum en public, c’est vite agaçant.
Et bien entendu, lavez-vous bien les mains avant de les approcher d’un visage.
Dès votre arrivée sur un tournage, pour vous, absolument tout, y compris toutes vos questions d’argent, doit transiter par votre chef de service, votre mentor. Ne prenez pas cet avis à la légère si vous voulez vous ménager un avenir avec un maquilleur sérieux, compétent et assez bienveillant pour vous accueillir avec lui.
Soyez discret, sur ce point aussi : laissez votre mentor vous présenter à qui il le juge utile pour le service. Ne vous présentez pas vous-même à moins d’en avoir reçu l’instruction précise, et ne donnez pas votre nom de famille si vous n'êtes présenté(e) que sous votre prénom. La dernière chose que vous voudriez serait qu’il se fasse du souci à cause de vous et de ce que peuvent bien être vos intentions réelles.
C’est pour vous le moment de vous fonder une réputation de sérieux, intégrité et fiabilité, alors faites tout ce que vous pouvez pour montrer ces rares vertus si recherchées plutôt que d’inquiéter votre responsable en lui montrant que vous recherchez subrepticement du boulot ailleurs alors que vous avez la chance — que beaucoup vous envieraient — d’être déjà avec lui.
Ne cherchez pas à montrer votre book sur le tournage et ne donnez jamais votre CV ou votre carte de visite à quiconque sur le plateau ; les vrais professionnels corrects ne vous demanderont rien de cela, mais il n’y a pas qu’eux sur un tournage actuel, malheureusement. C’est le plus rapide moyen d’être prié de quitter le film et de ne plus jamais travailler avec votre mentor. C’est lui qui vous présentera utilement pour un autre job quand il le jugera opportun, quand il pensera que vous aurez atteint un niveau suffisant, car c’est sa réputation professionnelle que vous mettrez en jeu en sortant de ses mains. Ce n’est donc pas le moment de chercher à vous faire des relations sournoisement par vous même. Vous devez rester discrètement à votre place derrière votre chef-maquilleur. Vous êtes un stagiaire, un débutant en apprentissage — et ce n’est nullement déshonorant, bien au contraire — et un chef maquilleur expérimenté a accepté de vous prendre avec lui.
Rappelez-vous que des opportunités semblables sont très rares et que vous avez eu la chance, le privilège, d’être préféré à de nombreux autres postulants. Ce serait vraiment dommage de risquer de perdre une position aussi enviée par bêtise ou à cause d’un ego démesurément disproportionné avec votre situation réelle. Ne gâchez pas vos chances d’avenir dans le métier parce que vous pensez que quelqu’un d’autre peut faire quelque chose pour vous plus vite et mieux que votre mentor. Ce n'est pas si simple ni si facile que ça.
Bien évidemment, à peine sorti de l’école, n’essayez pas non plus de prendre sa place parce que vous pensez pouvoir faire mieux que lui. Ne soyez pas ridicule. Soyez donc plus malin(e) et patient(e), votre tour viendra si vous savez attendre jusqu’au bon moment.
De même, si quelqu’un vous fait une proposition ou vous donne son contact pour un job quelconque, vous devrez en informer immédiatement votre chef. Si on vous fait une proposition quelconque — dont le sérieux serait déjà assez douteux — répondez que étant stagiaire vous n’êtes pas encore assez qualifié pour ça et qu’on en réfère à votre chef maquilleur qui décidera de la suite à donner à la requête. Vous y gagnerez en sérieux et en confiance.
Il faut aussi, malheureusement, penser que toute invitation directe peut ne pas être que pour du maquillage. Ne venez pas vous plaindre des conséquences si vous acceptez ce genre de demandes.
Vous ne serez peut-être pas toujours d’accord avec votre tuteur, voire serez énervé parce que quelque chose ne correspond pas à ce que vous pensiez. A moins d’un réel danger immédiat pour l’artiste sur qui votre mentor travaille, ne répondez jamais avec insolence ou arrogance, encore moins en public, vous risqueriez d’être renvoyé instantanément. Vous n’êtes pas là pour chercher à imposer votre point de vue, mais bien pour essayer d’acquérir son expérience même si votre ego doit en souffrir un peu temporairement.
Si vous n’êtes pas satisfait de la réponse qu’il a donnée à vos requêtes, c’est qu’elles ne correspondaient pas à ses besoins ou possibilités du moment.
Et si, dans la fureur d’un exaspération pas si justifiée que vous le croyez à ce moment là, vous le quittez, ne venez pas vous en plaindre après : cette décision était la vôtre. A vous d’assumer la responsabilité de vos propres choix et décisions, si stupides soient-ils.
Il serait donc aussi parfaitement inutile qu’injuste et déloyal d’aller le calomnier dès qu’il aura le dos tourné.
Soyez toujours joignable : dans ce métier, il n’y a pas d’horaires réguliers. Ils sont souvent variables et le travail peut être décalé pour de nombreuses raisons imprévisibles (météo, indisponibilité inattendue d’un artiste, problèmes de transports, etc…). Il faut donc absolument que votre chef maquilleur puisse vous joindre directement à tout moment pour vous en avertir. De même, si une opportunité de boulot imprévue se présente : si vous ne répondez pas quand on vous appelle, surtout au début, dans l’urgence on peut appeler quelqu’un d’autre ; et alors, pour récupérer la place après, ce n’est pas garanti du tout… Alors, dans votre propre intérêt, évitez les répondeurs, sauf quand vous êtes au travail, bien entendu.
Vous êtes en stage au service maquillage, et au service maquillage exclusivement. Vous n’êtes donc pas là pour faire les courses pour un autre service sous prétexte que vous ne travailleriez pas effectivement au moment où on vous le demanderait. Seul votre chef maquilleur – ou un membre qualifié de son équipe et de sa part – peut vous demander d’aller faire une course dans l’intérêt du service maquillage. Vous devez rester disponible pour lui à tout moment.
Si vous voulez des horaires fixes et réguliers, des lieux immuables et des postes fixes, oubliez le spectacle et choisissez plutôt un emploi de bureau.
Cette mention figurait il y a encore peu de temps sur tous les contrats d’embauche de technicien, et particulièrement des maquilleurs. Disparue pendant un temps, elle est revenue.
a) envers la production
Avoir été renvoyé pour avoir violé la discrétion professionnelle est une casserole difficile à trimbaler qui vous fermera la plupart des portes, surtout les plus intéressantes.
b) envers les acteurs
En revanche, le fait d’être en stage avec un chef maquilleur ne vous donne pas systématiquement accès à l’intimité de l’artiste, voire dans son entourage immédiat.
Vous aurez tout loisir ultérieurement de lui poser toutes les questions que vous voudrez si vous n’avez toujours pas bien tout compris, mais ne l’énervez pas à un moment crucial en gaspillant son temps et celui de la production : ce n’est pas le moment de vous donner un cours quand on attend un artiste sur le plateau.
Ce n'est probablement pas la valeur marchande de l'objet en question, mais le fait de perdre son temps à chercher inutilement au moment où on en a besoin un objet que l'on sait posséder, avec toutes les conséquences que cela peut avoir (perte de temps, voire ratage du maquillage en cours…).
Le maquillage de cinéma ne se fait pas que dans les studios. Beaucoup de postiches et d’effets spéciaux se préparent longtemps avant le tournage dans des ateliers spécialisés ou des laboratoires. Il se peut que votre stage se déroule dans un tel laboratoire, et ce sera tant mieux pour vous si un bienveillant spécialiste compétent vous y accueille.
Le site pourra être luxueux ou pauvre selon les cas, ce ne sont pas les paillettes qui comptent mais ce que vous y ferez : un appartement, un garage, un atelier spécialement aménagé, un local quelconque au studio, une caravane louée par la production, etc.
La discipline y sera probablement aussi stricte, mais vous pourrez sans aucun doute apprendre beaucoup de choses utiles pour votre avenir professionnel : comment mouler un artiste, sculpter, les différentes manières et matières pour faire des moules et tirer des prothèses, comment les ranger et s’en servir, les règles d’hygiène et de sécurité relatives au maniement de ces divers produits spécifiques à usage professionnel…
Le rêve si vous aimez autre chose que le banal maquillage basique : ces maquillages de composition qui font le bonheur des spectateurs !… Et le mien, soit dit en passant…
Quand vous avez la chance d’être admis à faire un tel stage, laissez votre ego et vos faux semblants chez vous ; abordez-le l’esprit ouvert, libre, pour éponger tout ce que vous pourrez en apprendre.
Profitez-en bien : instruisez-vous et prenez-y tout le plaisir que je vous en souhaite.
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Voilà. C’est enfin écrit et clair pour tout le monde, chefs maquilleurs, assistants et stagiaires. En complément, je vous recommande la lecture du chapitre en deux parties :
Je continuerai sans aucun doute à écrire d'autres chapitres et à mettre ceux-ci à jour pour présenter le métier du maquillage au cinéma aux futurs réalisateurs, maquilleurs, photographes, et à tout public intéressé. Donc, si ce qui précède vous a intéressé, et je l'espère de tout mon coeur, alors suivez l'actualité sur mon site. Je rappelle que des cours techniques plus précis sont également disponibles ici. Mais pour vous en donner un aperçu, je vous invite à lire le chapitre suivant : Comment faire un faux nez à petit budget pour le cinéma ou le théâtre.
Si ces quelques règles de bon sens vous paraissent insupportables, alors ce genre de stage ne semble pas fait pour vous et votre avenir dans le métier du maquillage de cinéma est peu probable.
Mais si vous pouvez les respecter, vous adapter à cette dure, mais simple et logique discipline, alors l'enseignement tiré de ce stage vous conviendra parfaitement et vous pourrez acquérir les bases les plus sérieuses et les plus étendues possible, bien au delà du niveau scolaire basique, et qui vous permettront de devenir un vrai professionnel responsable et respecté par le métier.
Alors, vous voulez commencer quand ?…